Bernard Buffet exécute cette toile un an avant son décès. Le peintre remet alors sur le chevalet l’une de ses thématiques favorites, qui l’a suivi durant toute sa carrière : la nature morte, et plus précisément la peinture de fleurs. Déjà, en 1979, anémones, orchidées, tulipes, soucis, roses et autres tulipes formaient le thème de son exposition annuelle, organisée à la galerie parisienne de Maurice Garnier. Ses bouquets suivent ainsi l’évolution stylistique de ses autres tableaux, passant des dessins aux contours noirs acérés et de la grisaille monochrome de ses débuts à des couleurs très vives, voire criardes, à partir de 1970. Comme pour les autres thématiques, Buffet a su imprimer à ce genre sa patte reconnaissable entre toutes, son atmosphère unique. Avec ces dahlias rouges et cytises jaunes tombants placés dans un fin vase noir à l’équilibre précaire, au bord d’une étrange table triangulaire , sur fond de papier peint jaune à rayures, cette composition fait fi de la minutie des peintres d’Europe du Nord au XVIIe siècle inventeurs de la nature morte en tant que genre indépendant pour faire éclater ses couleurs. Un peu à la manière d’un Van Gogh brossant ses tournesols avec ce jaune dominant qui s’impose à l’œil du spectateur. Le vert du feuillage, le noir et le rouge s’opposent au jaune, sans recherche d’harmonie, mais plutôt avec la volonté de marquer les esprits et d’exprimer toute la violence de notre monde, ce mélange de beauté et d’horreur inhérent à la condition humaine et que Bernard Buffet a toujours ressenti au plus profond de lui. Mais, en cette année 1998, ce sentiment est certainement plus fort, puisque l’artiste sait depuis peu qu’il souffre de la maladie de Parkinson. Un mal incurable qui va peu à peu l’empêcher d’exprimer son art. Il ne le supportera pas et se suicidera le 4 octobre 1999, laissant l’une des œuvres figuratives les plus intéressantes de la seconde partie du XXe siècle.