Avec son décor tourbillonnant aux couleurs vives et à l’impérial motif du dragon, ce plat du XVIe siècle illustre l’art ancestral des émaux cloisonnés en Chine.
Bleu, rouge, jaune, vert… autant de couleurs portées au plus haut pour rehausser ce fabuleux décor tournoyant, représentant deux dragons à cinq griffes à la poursuite de la perle sacrée. Le revers du plat n’est pas en reste, où neuf lotus ornent le centre, accompagnés au pourtour de douze autres et de boutons et rinceaux. Aussi bien bouddhiques qu’impériaux, ces motifs évoquent une œuvre d’art prestigieuse, sans doute réalisée dans l’entourage de la cour. C’est au XIIIe siècle que s’est mise en place en Chine une hiérarchie iconographique très stricte. Le dragon fut alors choisi pour symboliser l’État dans la garde-robe impériale, mais aussi le mobilier et les œuvres d’art. C’est également sous les Song que l’animal acquiert son apparence serpentine, ses quatre pattes mais aussi ses cornes de cerf, sa tête de chameau, ses écailles de carpe, ses serres d’aigle, ses pattes de tigre et ses oreilles de vache… Sous les Ming et les Qing, le dragon à cinq griffes sera réservé à l’empereur, celui à quatre griffes aux princes, le nombre de trois suffisant aux nobles et aux lettrés. La créature légendaire constitue l’emblème par excellence « du Fils du Ciel », étant le symbole antique du pouvoir de création et le totem d’une très ancienne tribu. Les mythes attachés aux souverains Yan Di et Huangdi lui sont également liés… Plus techniquement, ce plat est constitué d’émaux cloisonnés au bleu turquoise rappelant le lapis-lazuli tant apprécié au Moyen-Orient : un savoir-faire apparu dans le pays dès le XIVe, mais qui puise son origine en Occident, au XIIIe siècle avant notre ère, dans la Grèce mycénienne. Essaimant vers la Russie, la technique se développe à un très haut niveau à Byzance, avant de gagner toute l’Europe par l’entremise de Venise, pour, suivant l’Orient et la route de la soie, terminer son chemin en Chine. Elle consiste à coller sur une forme en métal des cloisons en cuivre, reproduisant les contours d’un décor prédéfini ; on coule ensuite à l’intérieur des alvéoles une pâte siliceuse, colorée à l’aide de divers oxydes métalliques ; passés au four, les émaux fondent et se fixent. À froid enfin, reste à polir la surface et à dorer les éléments métalliques. Sous la dynastie Ming, puis sous les Qing, ce procédé auparavant réservé à des objets rituels commandés par l’empereur pour les temples du bouddhisme tibétain est généralisé sur des pièces précieuses, appréciées pour leur solidité et la grande vivacité des couleurs.