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Éloge des origines à l’Art Institute of Chicago

Publié le , par Virginie Chuimer-Layen

Des dessins de maître, révélés pour la première fois depuis vingt-cinq ans. «Master Drawings Unveiled» dévoile cette sélection au Michigan Avenue Building.

Edgar Degas (1834-1917), Plage à marée basse (Embouchure de la rivière), 1869, pastel... Éloge des origines à l’Art Institute of Chicago
Edgar Degas (1834-1917), Plage à marée basse (Embouchure de la rivière), 1869, pastel sur papier brun clair, 23 x 30 cm, The Art Institute of Chicago, fonds d’acquisition Regenstein. Courtesy Art Institute of Chicago

Derrière un tableau se cachent souvent des études préparatoires, esquisses parfois plus libres, parfois plus construites que la composition aboutie. Certains papiers existent également pour eux-mêmes, sans jouer le rôle d’ébauche préliminaire pour une réalisation définitive. Connu pour son fonds de plus de 300 000 œuvres, dont la plus grande collection de peintures impressionnistes et postimpressionnistes après celles du musée d’Orsay, l’Art Institute of Chicago l’est également pour son engagement à étoffer ses collections de dessins, et ce, dès le début du XXe siècle.
Dans l’ADN muséal, l’acquisition récurrente de feuilles
En effet, le musée a reçu en 1922 une première dotation d’environ quatre mille dessins européens et américains de Walter Gurley, dont la famille chicagoane collectionnait les œuvres sur papier. Dans les années 1940, l’établissement créa un département de dessins et estampes, avec à sa tête Carl O. Schniewind, premier conservateur en charge des acquisitions. À partir de 1991, l’institut s’est encore étoffé d’environ neuf mille estampes et vélins. «Depuis toujours, l’Art Institute of Chicago souhaite, avec ces achats, dons, legs, insuffler une dimension nouvelle et une plus grande profondeur à ses collections», explique Suzanne Folds McCullagh, conservatrice du département concerné. Pour la première fois depuis vingt-cinq ans, «Master Drawings Unveiled» dévoile cet enrichissement dans quelques salles, au rez-de-chaussée du Michigan Avenue Building. Où l’on découvre des études exploratoires à des tableaux iconiques figurant dans les collections permanentes, mais aussi quelques pépites isolées, qui méritaient bien un premier éclairage.
Des dessins anciens…
L’exposition déroule son fil chronologique, du XVIIe au XXe siècle, avec la présentation d’environ 84 dessins de très grande qualité. De belles feuilles provenant d’écoles européennes sont présentées, telles celles d’Italie, de France, de Suisse, d’Allemagne, d’Angleterre, comme quelques exemples de dessins préparatoires américains. Le XVIIe est illustré, entre autres, par deux études de 1622 de Salvator Rosa pour la Crucifixion de Polycrate, tableau appartenant au musée. Il s’agit de deux réflexions sur la partie gauche du tableau fini, où le tyran grec est crucifié à un arbre squelettique. Sa manière torturée et dramatique, confondant corps et tronc de l’arbre, se répétera dans l’œuvre finale. L’Étude académique d’un masculin couché dévoile un François Boucher différent du peintre précieux des nus féminins que l’on connaît. Le trait serpentin insiste sur la musculature du corps, quelque peu irréaliste ici, par de subtils jeux de craie. On verra aussi un élégant portrait en pied et de profil du Chevalier de Lézay, réalisé aux crayons rouge et blanc par Louis de Carmontelle, comme une esquisse du Souper à Emmaüs de Jean-Honoré Fragonard, d’après l’œuvre du Caravage conservée à la National Gallery de Londres. Une scène mythologique, Cléombrote et Léonidas, met aussi en lumière la précision polie du dessin néoclassique français, exécuté par le baron François-Xavier Fabre, élève de David.
… aux esquisses de la modernité
Côté XIXe, l’école allemande est présente, entre autres, avec le Portrait d’une femme de Julius Schnorr von Carolsfeld, de 1821. La délicatesse de son trait le rapproche de Sandro Botticelli. Un petit vélin de Jean-François Millet montre des bovins au pré, à la ligne d’horizon inhabituellement élevée pour ce paysagiste français. Le musée possède également des feuilles dont la qualité n’a pas à rougir face aux tableaux achevés. Avec sa Plage à marée basse, Degas signe, en 1869, un pastel aux effets d’atmosphère réussis. Henri Fantin-Latour offre quant à lui un sombre autoportrait, empreint de mystère. Cerise sur le gâteau impressionniste : une étude de 1877 pour Rue de Paris, temps de pluie de Gustave Caillebotte, dont la toile est emblématique de l’Art Institute. On découvre l’attention première, quasi abstraite et géométrique, du peintre sur les façades des immeubles, conjointement à un Autoportrait au chapeau, à la présence indéniable. Des ouvrages plus contemporains nous réservent aussi de belles surprises. En 1924, Jean Cocteau produit une œuvre surréaliste aux inspirations cubistes. Son Cauchemar, représentant une main monstrueuse et fantomatique, dévoile sa forte dépendance à l’opium. Francis Picabia présente enfin un autre visage de lui-même dans son Autoportrait de 1929. Il se dépeint plusieurs fois en couches transparentes, dans un style figuratif, pétri de mélancolie.

À voir
«Master Drawings Unveiled : 25 Years of Major Acquisitions», The Art Institute of Chicago,
111 South Michigan Avenue, Chicago, Illinois.

Jusqu’au 29 janvier 2017.
www.artic.edu - www.artinstituteofchicago.org
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