Les amateurs de l’œuvre d’Ellsworth Kelly (1923-2015) ne manqueront pas cette exposition, certes restreinte mais fort bien documentée, sur un thème essentiel de sa période parisienne, les fenêtres. En effet, lors de son séjour en France où il est arrivé comme G.I. de 1948 à 1954, le peintre américain élabore un processus fondé sur la perception visuelle qu’il veut le plus objective et distanciée possible. Il applique le principe du «already made», consistant à prélever dans la réalité essentiellement l’architecture urbaine des motifs «déjà faits», et à les transposer tels quels sur la toile. Présentées dans l’exposition, ses photographies de fenêtres, carreaux cassés, ombres obliques dans une embrasure ou ombres portées sur un mur font clairement comprendre comment son œil repère et isole un motif plastiquement fort et autosuffisant. Il développe ainsi une esthétique de l’anticomposition, qui anticipe le minimalisme, et réalise ses premières peintures-objets, qui donneront lieu à ses «shaped canvases» toiles de forme non orthogonale. Exemplaire de cette démarche est Window, Museum of Modern Art, Paris (1949), réplique exacte d’une fenêtre du musée d’Art moderne, qu’il conservera toujours puis offrira au Centre Pompidou en 2015.
Le superbe White Over Black III, terminé juste avant sa mort, illustre la permanence de ses préoccupations plastiques, et clôt l’exposition par une note grandiose : une porte monumentale où un grand panneau blanc, sur bordure et linteau noirs, ouvre au regard un espace d’éternité. Malgré ce point d’orgue final, l’accrochage peut paraître bien gris, tristes alignements de petits formats en noir et blanc, sans articulation spatiale : un dossier par et pour des spécialistes en somme.