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Éclectisme inspiré

Publié le , par Sylvain Alliod

Ce curieux cabinet exotique porte la signature de l’Escalier de cristal, la célèbre maison d’édition ayant revisité un meuble d’Édouard Lièvre aujourd’hui à Orsay…

  Éclectisme inspiré
 

La veine exotique de ce cabinet appartient à l’une des figures les plus inspirées de la seconde moitié du XIXe siècle, Édouard Lièvre. Loin des pastiches amalgamant sans trop de discernement diverses références stylistiques, ce créateur aux multiples talents a su composer des oeuvres profondément originales et représentatives de l’esprit de leur temps. L’un des secrets de sa réussite est son immense culture, notamment acquise par la réalisation de recueils d’ornements vus dans les plus grandes collections européennes, aussi bien publiques que privées. L’historien d’art Paul Mantz a pu écrire, dans la préface du catalogue d’une des ventes de sa succession, organisées à Drouot, la première en 1887 et la seconde en 1890 : “Il recueillait partout des éléments dont il a su tirer le plus utile parti […] car il avait compris dès le début combien il était opportun de propager la connaissance des styles”… C’est au cours de ces ventes que les frères Pannier, propriétaires de la maison d’édition et de fabrication de mobilier et d’objets de luxe L’Escalier de cristal, ont acheté le “meuble à deux corps : armoire sur table d’applique” de 1877, qui appartient aujourd’hui aux collections du musée d’Orsay. Il porte la signature de la célèbre maison et a servi de modèle à notre cabinet. Les frères Pannier vont en effet éditer six meubles d’après cet archétype, tous en palissandre comme lui, mais différents par des détails de structure ou d’ornement. Selon un carnet provenant des archives d’Henry Pannier, trois seulement sont dits “japonais”, en raison du cartouche central ornant le vantail. L’un a été vendu par Bonhams à Londres, en décembre 2008, avant de faire la gloire du stand de Michel-Guy Chadelaud à la Biennale des antiquaires, deux ans plus tard. Il est orné d’une représentation de Jurojin, le dieu de la longévité. Le deuxième exemplaire, conservé dans une collection particulière, possède un panneau montrant un bodhisattva assis à côté d’un vase contenant une branche d’osier. Le troisième enfin, le nôtre, est orné d’une scène du théâtre nô et de petits cartouches simulant des meubles et objets japonais divers. Il est le seul à être décoré d’une série de petits objets rappelant le Japon, incrustés sur son vantail : théière, vase, éventail, etc. Le fronton est pour sa part centré d’une amusante plaque figurant une Japonaise joufflue tenant un éventail. Ces détails semblent indiquer qu’il serait l’exemplaire le plus proche de celui initialement mentionné par Henry Pannier. Il a, vers 1900, meublé le chalet de La Roque, à Port-More dans l’Eure. C’est seulement à la fin de sa vie qu’Edouard Lièvre s’est intéressé au mobilier, avec grand succès : “On s’écrasait à la salle 8 […]. Depuis longtemps, les amateurs de bel ameublement d’art n’ont pas eu l’occasion de voir paraître aux enchères un ensemble aussi remarquable de l’oeuvre du maître regretté. Ses meubles feront époque comme ceux de ses célèbres devanciers des siècles passés.” Souhaitons à notre cabinet “japonais” le même succès.

L’Escalier de cristal, d’après Édouard Lièvre (1629-1886), vers 1896, cabinet ouvrant par un vantail, palissandre de Rio, bronze doré, laque, bois, os
L’Escalier de cristal, d’après Édouard Lièvre (1629-1886), vers 1896, cabinet ouvrant par un vantail, palissandre de Rio, bronze doré, laque, bois, os et ivoire. 208 x 118 x 66 cm.
QUAND ?
Lundi 25 novembre 2013

OÙ ?
Salle 7 - Drouot-Richelieu.
Daguerre SVV. M. Derouineau.

COMBIEN ?
Estimation : 200 000/300 000 euros
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