Voici un lieu qui parle aux habitués de l’Hôtel des ventes de Drouot ! Cette toile de Jean-Louis Forain (1852-1931), intitulée Au café Riche, racontait l’histoire du Petit Riche, ainsi que la Gazette n° 44 du 15 décembre (page 65) vous l’apprenait. L’artiste, l’un des meilleurs illustrateurs de la vie parisienne du tournant du XXe siècle, sait en traduire avec une grande science du dessin les bienfaits comme les travers. Beaucoup de choses sont dites par le regard d’envie que la jeune femme affamée jette sur la table de son voisin, un bourgeois repus et bedonnant… La note de ce repas s’est élevée à 237 500 €. L’autre pièce attendue était plus précieuse. Il s’agissait d’un paravent à quatre feuilles en laque, d’un bleu cobalt envoûtant rehaussé de l’éclat de la coquille d’œuf (voir détail page de gauche). Son auteur ? Jean Dunand (1877-1942), un créateur dont on ne présente plus les nombreux talents et l’apport essentiel à l’époque art déco. Ce paravent, nommé Bretagne, 1926, avait illuminé de son fond la couverture de la Gazette n° 34 du 6 octobre. Le musée des beaux-arts de Quimper ne l’a pas laissé filer et a engagé son droit de préemption à 87 500 €, pour l’amarrer dans ses collections. On y voyait des petits bateaux au mouillage, portant chacun le prénom de l’un des enfants de Dunand, alors qu’un autre, voile rouge levée, portait celui de son épouse, Margot. Ce spécialiste de la laque a exécuté un nombre important de paravents tout au long de sa carrière, dont plusieurs ayant la Bretagne pour sujet, le bleu de la mer pour fond de la composition et la coquille d’œuf pour exprimer le ciel ensoleillé. L’un d’eux, Paysage de Bretagne - Saint Riom, se trouve dans les collections du Victoria and Albert Museum de Londres. Il date aussi des années 1920, période au cours de laquelle la laque devient son matériau de choix et lui permet d’aborder le mobilier. Tous sont traités comme des peintures modernes, avec un cadrage plongeant, retenu des estampes japonaises. Il métamorphose ainsi un simple ouvrage de menuisier et de tapissier en une expression artistique à part entière, qui n’aura plus à protéger des vents coulis.