Dunand à bon port au musée départemental breton de Quimper

Rendons au musée départemental breton de Quimper ce qui lui appartient. En effet, dans notre premier numéro de l’année (page 67), nous avions par erreur annoncé la préemption de ce paravent de Jean Dunand (1877-1942) au profit du musée des beaux-arts de la même cité du Finistère… On peut comprendre la déception du côté de l’établissement abrité dans l’ancien palais épiscopal, tant cette acquisition revêt de symboles. Il est donc juste de revenir sur l’achat de cette pièce historique. D’autant que Philippe Le Stum, conservateur en chef au musée breton, se souvient que «c’est grâce à la Gazette que la mise en vente de cette œuvre magnifique a été mise à notre connaissance. Et dès la parution du 6 octobre [n° 34], qui la plaçait en couverture, nous avons pu entreprendre les démarches pour réunir des fonds». Le conseil départemental, propriétaire du musée, a d’abord été sollicité, puis, son feu vert obtenu, le service des Musées de France, qui a accordé une aide au titre du Fonds du patrimoine, et enfin, la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne. Ces trois fées, discrètes mais efficaces, se sont penchées sur l’intérêt patrimonial de cette création en laque et coquille d’œuf : la jugeant digne des plus hauts suffrages, elles ont contribué à son acquisition à la veille de Noël. Un joli cadeau déposé au pied du sapin pour une œuvre dont le sujet décline symboliquement le thème de l’enfance. Rappelons en effet que les petits bateaux au mouillage portent chacun le prénom de l’un des bambins du créateur. De plus, celui dont l’homme levant la voile rouge pourrait bien être Dunand est baptisé du prénom de son épouse. Quelle ode à la famille !
Modernité et tradition, Bretagne et art déco
Cette pièce patrimoniale contribue à placer l’inspiration bretonne au plus haut niveau dans les arts décoratifs de la première moitié du siècle dernier. Seul musée de Bretagne spécialisé dans le domaine des arts appliqués et graphiques, l’établissement quimpérois mène depuis sa création, en 1846, une politique d’acquisitions dynamique, tournée ces dernières décennies vers la création du XXe siècle, et tout particulièrement celle de la période art déco, éminemment liée à la région. Ces années y ont été si fécondes avec le travail des Seiz Breur (les «sept frères»), un mouvement créé en 1923 dans le but de réaliser l’alliance de la modernité et de la tradition, ou encore avec les productions de la manufacture de faïences de Quimper, qui a pris le même virage. Le paravent Bretagne, de 1926, résonne donc à plus d’un titre avec ses collections. Sa thématique bien sûr  un paysage littoral breton, une maison en pierre de granit et, en contrebas, les petits sardiniers , mais aussi la parenté de sa composition japonisante avec celle des estampes d’Henri Rivière. Sans oublier sa nature même ; il est en effet à mettre en relation avec les créations typiques du renouveau du mobilier breton de l’entre-deux-guerres, démontré en 2011 lors de l’exposition «L’appartement art déco». Pour celle-ci, le musée avait reconstitué un intérieur uniquement décoré de meubles et objets régionaux conçus entre 1920 et 1940. Cette présentation préfigurait la rénovation de la section mobilière de l’établissement, totalement repensée en 2017 et désormais ouverte sous l’appellation «Tradition et modernité». Ces quatre feuilles en laque bleu cobalt, rappel des eaux émeraude du Morbihan, vont s’y amarrer tout naturellement.