Tour à tour commissaire d’exposition, conservateur, romancier, Hubert Bari est décédé le 4 novembre.
Hubert Bari était un djinn encyclopédique, ondoyant entre sciences et arts, un esprit libre, d’un humour malicieux, débordant d’idées. Il s’est éteint presqu’à l’aube de ses 67 ans, en Seine-et-Marne où il s’était retiré avec son compagnon de vie et de travail, David Lam. Hubert Bari avait une formation scientifique. En 1982, après son doctorat en minéralogie, il est embauché par Serge Chambaud, qui vient de prendre la direction des musées au sein de l’Éducation nationale. Ce dernier fut séduit par sa première exposition. Au musée Unterlinden de Colmar, Hubert Bari avait présenté les dessins d’Heinrich Gross, exécutés en 1529 pour le duc de Lorraine sur sa visite des mines dans les Vosges. Le jeune scientifique avait déjà dans l’idée d’élargir l’image qui pouvait se former à partir de l’histoire de l’art, pour aborder la vie sociale d’une époque. Hubert Bari fut missionné pour réhabiliter la collection minéralogique du muséum de Strasbourg. Quand l’Université de la ville ferma le musée minéralogique auquel il avait redonné vie, il trouva refuge dans des églises ou à l’Aubette pour ses expositions. On lui en doit notamment une sur les bijoux et les pierres, qui fut reprise au Petit Palais et au Japon. Sa vision de l’hommage rendu par l’Europe à Champollion fut accueillie, après la capitale alsacienne, à la Bibliothèque nationale et au Musée égyptien de Berlin. Il était aussi passionné par le livre, se montrant du reste un écrivain de talent, dans son roman La Bibliothèque, publié en 1998 et réédité en 2020, prenant pour scène la destruction par le feu de la bibliothèque de Strasbourg par les Prussiens. Hubert Bari rejoignit le Muséum à Paris en 1998. Son coup d’éclat reste l’exposition « Diamants », de 2001 au Jardin des Plantes. Il avait choisi d’aborder le sujet sous toutes ses facettes, la minéralogie, la physique, l’histoire, les cultures du monde, vus au prisme de la joaillerie, du costume, de la peinture, de la photographie et de la création, jusqu’à la bande dessinée. Hubert Bari avait décroché un mécénat du joaillier Mouawad, tout en impliquant les marques de la place Vendôme et les plus grands collectionneurs. Il nous avait raconté sa surprise de se voir remettre un diamant exceptionnel, dans une chambre d’hôtel de Genève, sans aucun document. Il était aussi allé chercher chez Christie’s un diamant dont il avait sollicité le prêt. Le propriétaire, qui n’en était pas informé, avait fort mal réagi quand il apprit la nouvelle. Mais il accepta de voir l’accrochage et fut tellement ravi qu’il laissa son trésor dans la vitrine. L’exposition reçut 444 000 visiteurs avant de voyager à Rome et à Doha. Un nouveau chapitre s’ouvrit pour Hubert Bari quand il devint le conseiller du cheikh Saud Al-Thani chargé d’ouvrir les nouveaux musées du Qatar. Même après que celui-ci fut écarté sous le soupçon de détournement de collection, Hubert Bari fut repris comme consultant des projets muséographiques. En 2010, il monta une exposition sur les perles, qui fit le tour de la planète, avant d’être invité à former une collection de perles et joyaux pour l’émirat. Un tel électron libre suscite forcément des décharges électriques. Il connut son lot de contrariétés, soulevant l’incompréhension de scientifiques et conservateurs, qui voyaient en outre d’un mauvais œil ses passages du public au privé. Il eut même des ennuis judiciaires, avant d’être innocenté. Certains critiquèrent publiquement le caractère iconoclaste de ses expositions. D’une certaine manière, il fut un préconisateur d’une nouvelle ère d’ouverture des musées au monde.