Le patron de Tod’s retrace l’histoire d’un partenariat décennal qui a permis de restaurer le Colisée. Face aux remous passés de l’opinion publique, il rappelle combien le mécénat culturel italien rime avec identité.
Le mécénat de la marque de maroquinerie de luxe à la restauration de fond en comble d’un des monuments les plus iconiques au monde touche à sa fin. Une première phase de travaux a porté, de 2011 à 2016, sur la rénovation des extérieurs de l’amphithéâtre romain. Depuis juin dernier, les hypogées sont pour la première fois accessibles au public grâce à l’installation d’une passerelle suspendue.
Votre entreprise est réputée pour son implication auprès de causes sociales, dont l’aide et l’accompagnement des jeunes en particulier. Pourquoi avoir associé Tod’s au Colisée ? Ce projet est en effet le premier soutien de Tod’s au monde de la culture. Tout est né d’un appel de la mairie de Rome. Ils sont venus me voir en 2011 dans le cadre de la campagne de restauration prévue. La culture est omniprésente en Italie. Mais nous n’avons pas de ministère du Tourisme, alors que c’est une activité vitale. Il était donc normal de soutenir ce symbole de Rome, comme d’autres ont soutenu la restauration de la fontaine de Trévi (Fendi y engageait 2 M€ en 2012, ndlr), la Piazza di Spagna (par Bulgari en 2016, ndlr), ou le pont du Rialto, à Venise (par la maison mère de Diesel qui a déboursé 5 M€ en 2016).
En 2016, le maire de Rome lançait un appel aux entreprises pour les exhorter à sauver le patrimoine de la capitale transalpine. À l’inauguration de la seconde phase de travaux du Colisée en juin, le ministre des Biens culturels, Dario Franceschini, réitérait la supplique et appelait à une plus grande implication des entreprises italiennes en faveur du patrimoine national. Pensez-vous que le secteur privé italien ne soit pas assez sensible ou sensibilisé au mécénat ? L’appel du ministre est juste et j’espère qu’il rencontrera la plus grande attention. Concernant le rapprochement entre secteurs public et privé, ce ministre est très ouvert au dialogue et a montré sa volonté d’alléger la bureaucratie à laquelle on est confronté dans ce type d’opération. Sa loi « Art Bonus » – promulguée en 2014 par l’actuel ministre Dario Franceschini, ndlr – a été un bon signal pour stimuler les acteurs de l’industrie italienne, et prouve sa volonté de dialogue. Nous ne voulons pas être un exemple arrogant pointant du doigt ceux qui ne s’engagent pas. Nous voulons seulement faire les choses. Dans notre monde, les affaires concentrent l’attention de toutes les entreprises. Mais quand les affaires fonctionnent, il est nécessaire de se tourner vers d’autres choses, de faire des choses intéressantes pour la société. Que vous a appris ce mécénat ? J’ai compris, au fil de ces années, que le partenariat entre secteurs public et privé n’était pas une utopie. Nous avons rencontré à maintes reprises des personnes de grande qualité au ministère, dans les grandes administrations et au Colisée. Tous partagent un puissant sentiment d’appartenance à l’Italie, comme nous. C’est ce qui me fait dire que l’alliance entre public et privé est quelque chose de vraiment concret. Le bien-être d’un pays dépend de tout un chacun. Il se prépare ensemble.
Pensez-vous que ce dialogue entre entreprises et patrimoine soit plus difficile en Italie que de l’autre côté des Alpes, en France ? La culture française est peut-être – enfin, sûrement – plus agile et préparée à créer des rapports entre les entreprises et le monde culturel. Mais je pense aussi qu’en Italie, cette logique nous irriguera prochainement car c’est, selon moi, l’intuition de notre ministère de la Culture.
Comment se porte le patrimoine italien après dix-huit mois de pandémie et de circulation touristique très perturbée ? Le patrimoine italien a assez bien supporté la crise. C’est le fruit des choix judicieux opérés par les Surintendances – tutelles territoriales pour la gestion du patrimoine public italien, ndlr –, soutenues par le ministère de ne pas abandonner ce secteur, mais au contraire d’en accélérer les rénovations. Le patrimoine n’est pas une charge mais bien une opportunité pour notre pays.
Alors que ce soutien au Colisée se termine, avez-vous d’autres projets de mécénat dans le champ culturel ? Souhaitez-vous poursuivre cet axe dans la politique de mécénat de Tod’s ? Notre objectif n’est pas de normaliser ou automatiser notre soutien aux monuments. Il faut avant tout être fidèle à la philosophie de l’entreprise et ne pas s’enfermer dans un axe ou un autre. Mais après cette longue relation avec le ministère, il est évident qu’un lien s’est créé et que le dialogue est donc toujours ouvert entre Tod’s et la culture. Sans aucun doute, nous répondrons présents quand ce chantier sera définitivement achevé. Quand cela sera nécessaire, nous nous réengagerons. Peut-être irons-nous davantage sur des projets dans des villes plus petites, le patrimoine est partout en Italie.
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