L’Ars moriendi autrement dit, l’art de bien mourir est l’un des grands succès de la littérature de dévotion médiévale, en un temps où les questions liées à la mort étaient au cœur de tous les esprits et toutes les craintes ! Il faut tout de même se souvenir que la peste noire s’est répandue dans toute l’Europe au XIVe siècle, époque ayant connu son lot de guerres et de violences en tout genre. L’Église catholique se devait de réagir et de rassurer le croyant, à tout le moins de l’accompagner. L’écriture de l’Ars moriendi en sera un moyen. Les textes, d’abord manuscrits avant d’être imprimés à de nombreuses reprises aux XVe et XVIe siècles, connaîtront un succès incroyable, grâce surtout aux illustrations extraordinaires les accompagnant et parlant à tout chrétien bien plus certainement qu’un long discours surtout si l’on pense au taux d’analphabétisme dans la population. La première version longue voit le jour en 1415 en Allemagne, où elle a été commandée à un moine dominicain demeuré anonyme, une seconde abrégée sortant en 1450. Y sont reprises les cinq tentations assaillant l’homme face à la mort et, surtout, y sont détaillés les moyens d’y résister. De fait, les gravures sont pour le moins éloquentes. Cet exemplaire émane de l’une des cinq éditions latines données par Konrad Kachelofen de Leipzig à la fin du XVe siècle. Imprimé en caractères gothiques, il est orné des quatorze bois gravés requis, dont les onze figures évoquant les tentations diaboliques, et partait sans crainte chez un nouveau connaisseur à 21 484 €. Dans cette vente du contenu de la bibliothèque d’un amateur, le thème de la fin régnait encore dans une gravure de Claude Gillot (1673 1722) pour Les Cent Une Figures pour les Fables de La Motte 3 539 €) et, plus loin dans les siècles, sur Les Épaves (1866) de Charles Baudelaire, enrichies d’une eau-forte frontispice de Félicien Rops (7 583 €). Face à la mort, le plus réconfortant était encore de prier. Le livre à cet effet d’Andrée de Vivonne, duchesse de La Rochefoucauld (voir Gazette no 6 page 53), un manuscrit enluminé vers 1660, y répondait en retenant 35 100 €. Cette femme discrète et dévouée donna à son époux, mémorialiste et auteur des Maximes, huit beaux enfants. Une ode à la vie !