Retour des arts extra-européens
Ces deux vacations étaient guettées par tous les spécialistes tant le programme était dense et fourni, et les provenances prestigieuses. Elles se sont terminées sur un produit total vendu de 5 672 621 € : 2 423 602 € pour l’art précolombien du mardi et 3 249 019 € pour ceux d’Afrique et d’Océanie du mercredi, avec des résultats soutenus pour les pièces phares des deux ventes.
Le monde précolombien
Il s’agissait du second épisode de la dispersion d’une collection new-yorkaise le premier opus s’étant déroulé le 31 mars 2017. Celui-ci distillait ses effigies surprenantes, objets de l’«Événement» de la Gazette n° 8 du 23 février (pages 12 à 17), sous le regard intense et pénétrant d’une figure anthropomorphe en andésite gris-vert, de la culture mezcala (300-100 av. J.-C.). Celle-ci recevait le plus haut hommage, à 264 500 €. À ses côtés se tenait debout une Vénus callipyge, de la culture chupicuaro (400-100 av. J.-C.), du modèle de celle qui avait été affichée sur tous les murs de notre capitale pour annoncer l’ouverture du pavillon des Sessions du Louvre préfigurant le musée du quai Branly , en avril 2000. Ses courbes rondes et sa bonhommie joviale, contrastant avec la cruauté rapportée par les histoires de sacrifice, avaient donné envie d’en savoir plus sur ce monde précolombien si mal connu de ce côté-ci de l’Atlantique. Celle qui nous intéresse, exposée en prêt permanent au Metropolitan Museum of Art de New York entre septembre 2008 et février 2015, haute de 31,8 cm et un peu moins large seulement 20,6 cm , se campait solidement à 198 900 €. Un objet des plus originaux recevait encore 179 900 €. Il prenait la forme d’un vase codex, encore utilisé pour boire du chocolat mais dans un contexte rituel, et provenant des Mayas du Mexique ou du Guatemala, sur lequel nous reviendrons dans une prochaine édition. D’autres pièces saisissaient encore… C’était le cas d’un masque funéraire de Teotihuacán (450-650 apr. J.-C.) l’une des plus brillantes cités du plateau central du Mexique , sculpté dans une pierre dure noire à surface brillante et fixant 120 180 €, ainsi que de deux étonnants jaguars de la culture maya du Mexique classique récent (600-900). Supports de trône, ces deux animaux aux gueules menaçantes n’avaient rien de l’allure féline du fauve auquel ils empruntaient l’apparence, mais un aspect massif qui convenait à leur fonction nobiliaire, reconnue à 139 860 €. Un objet presque anecdotique, si ce n’était sa datation, concluait la présentation. Il s’agissait d’un vase en forme de poisson en céramique à engobe noir, façonné par les potiers olmèques de Las Bocas au Mexique entre 1200 et 600 av. J.-C. (voir Gazette n° 11 page 65 et reproduit page 109), donc remonté du fond des âges pour exprimer, à 44 682 €, une modernité confondante. Le monde précolombien n’en a pas fini de se dévoiler…
L’Afrique des routes
La notice du catalogue l’apprenait, la figure d’ancêtre bembe choisie en couverture de la Gazette n° 8 du 23 février et reproduite ci-dessus (voir également détail page 104) était féminine. Les apparences peuvent être trompeuses… Ces effigies appartiennent au corpus des imposantes figures anthropomorphes que l’Afrique a semées sur les routes. Les défunts y ont un rôle essentiel. Les Bembe pensaient que «les ombres de ceux-ci aimaient se réfugier dans ces simulacres», les dotant de fonctions tout à la fois politiques, commémoratives, magiques et thérapeutiques. Cette sculpture recevait le plus haut hommage du mercredi à 683 500 €. La vacation, objet de l’«Événement» de la Gazette no 10 du 9 mars (pages 12 à 17), regroupait origines documentées, ancienneté des pièces et provenances prestigieuses, un trio de choix annonciateur de grand intérêt des collectionneurs. Les pièces reproduites dans cet article, toutes exécutées au Mali, tels le couple d’antilopes tji wara bamana, la statuette des Tellem réalisée entre le XVe et le XVIIe ou encore le masque aieo de crocodile en bois à épaisse patine croûteuse des Dogons, retenaient des résultats à la hauteur de leur mérite. 157 850 € pour la danse des gracieux cimiers anthropomorphes, 198 968 € pour un autre couple (reproduit page de droite) provenant également de l’ancienne collection Maurice Nicaud, 152 980 € pour le personnage représenté debout, les bras levés vers le ciel, sculpté par les habitants des falaises de Bandiagara, et 290 740 € pour le masque de crocodile. La société des masques, intrinsèque à la culture africaine, revêt chez les Dogons un rôle essentiel. Marcel Griaule, ethnologue bien connu et auteur en 1938 de Masques dogons, en recensait soixante-dix-huit types humains ou animaliers ! Pour le Mali encore, un masque bamana à la patine noire brillante, réalisé entre le XVe et le XVIIe siècle, rappelait à 164 080 € que ce peuple, bien que très tôt converti à l’islam, avait secrètement conservé des objets cultuels, issus de son ancienne foi animiste. Les autres cultures de l’ailleurs trouvaient à s’exprimer dans cette vacation, établissant à nouveau des passerelles entre l’au-delà et le monde vivant, le passé des traditions et le présent des collectionneurs. Du cours moyen du Sepik de Papouasie-Nouvelle-Guinée, le crochet cérémoniel du consul Max Thiel (reproduit ci-contre) agrippait 461 300 €, et le masque hopi-zuni d’André Breton, 95 550 €.