Nous sommes en 1731 quand le peintre des chasses royales réalise cette paire de natures mortes, en pleine maîtrise du genre dont il est déjà la référence en France.
Pas de démonstration exagérée dans ces deux toiles, pas de virtuosité baroque : Desportes maîtrise avec sensibilité le rendu des fruits et des animaux. Placé sur un entablement de pierre, chaque élément sort de la pénombre pour dévoiler sa texture et ses couleurs. Acquis chez le marchand Maurice Segoura à la Biennale des antiquaires de 1994 par les parents de leur actuel propriétaire, ces tableaux sont une variante de la paire (de dimensions légèrement supérieures : 100 x 79 cm chaque) créée quatre années plus tôt par le peintre, en 1727, et alors acquise par Victor-Amédée II, duc de Savoie et roi de Sardaigne, pour le palais de Turin — ville où elle est aujourd’hui conservée à la Galeria Sabauda. Alexandre-François Desportes est à cette époque le grand nom du genre. Sa réputation est établie depuis sa réception à l’Académie royale de peinture et de sculpture, en 1699, comme « peintre d’animaux », qu’il a confirmée auprès de chacun des souverains, Louis XIV, le Régent puis Louis XV. Il a réussi à élaborer le style classique par excellence de la peinture animalière, mêlant avec virtuosité l’influence flamande – appréhendée auprès de son maître à Paris Nicasius Bernaerts, lui-même élève de Frans Snyders – et un goût personnel pour la nature, hérité de son enfance dans les Ardennes. Basé sur l’étude en plein air – l’artiste accompagnait le roi à la chasse, armé quant à lui de son carnet à dessins –, son travail est également servi par un exceptionnel coup de crayon, un art consommé de la composition et une touche naturaliste, particulièrement visible dans le doux rendu du pelage ou du plumage des animaux. S’affirmant comme le premier en France à supprimer la figure humaine des scènes cynégétiques, il demeure aujourd’hui encore comme le fondateur de la peinture animalière.