Sétoise, ancrée dans la rive antique de la Méditerranée, Valentine Schlegel nourrit son œuvre des visions de son enfance : houle, vent gonflant les voiles, terre brûlée de soleil.
La vedette de cette vacation, une table centrale, dite communément «Trapèze», version longue, de Jean Prouvé, pour la résidence universitaire Jean Zay d’Antony, a fait l’objet de la couverture de la Gazette n° 14, page 6. Pourtant, on retient les formes végétales, puissantes, se courbant et s’unissant pour former un cœur, où l’air vibre. L’ordre de grandeur est différent, la force créatrice est du même ressort. Cette sculpture est intéressante à plus d’un titre. Réalisée en 1957-1958, après ses vases montés au colombin et colorés, et ses cheminées qui, dans un certain sens, ont fait sa renommée, elle est l’un des rares témoins de cette période de jonction. Les inspirations végétales deviennent indépendantes, chargées d’émotion et la matière claire annonçant le blanc du plâtre des pièces décoratives. Valentine Schlegel est à l’unisson avec les forces telluriques du rivage méditerranéen. C’est sa matrice, le creuset de ses amitiés et de ses créations. On remarque ses sculptures dans les appartements de Gérard Philipe et Jeanne Moreau, rencontrés grâce à son beau-frère Jean Vilar qui lui offre son premier emploi, en 1947, au Festival d’Avignon. Le travail de la terre l’attire de plus en plus. Un premier succès – d’estime – salue son exposition à la galerie La Roue, à Paris, en 1955. François Mathey l’invite à fonder le pôle modelage des ateliers des moins de 13 ans au musée des Arts décoratifs de Paris, où elle enseigne de 1958 à 1987. Son amie d’enfance Agnès Varda, rencontrée sur les bancs de l’école de Sète, tourne un reportage en 1966, «Les Enfants du musée», sur ces ateliers. Peu à peu, son œuvre est moins d’actualité jusqu’au regain d’intérêt lors de l’exposition organisée par Pierre Staudenmeyer en 2001 dans sa galerie Mouvements modernes. Une forte personnalité et une immense créatrice dont Axelle Corty dans AD magazine rapporte les propos : «Pour un projet de scénario de film autobiographique, en 1978, Valentine Schlegel écrit : « Je bats la terre, je pose du plâtre, je pioche un mur, je pioche la terre, je cloue du cuir, je coupe du bois, je rame, je tourne un pot, je fais des confitures, je sculpte du bois, je rame, je mets mes godillots… ».