Une double paire d’yeux bleus accrochait le regard du lecteur de la Gazette no 44 du 14 décembre dernier. L’effet voulu était réussi et la couverture intriguait. Peinte à l’acrylique sur toile par Hiroyuki Matsuura (né en 1964), venu du graphisme publicitaire et rattaché à l’avant-garde japonaise, l’œuvre quittait la collection d’un amateur français pour en séduire un nouveau à 25 520 €. Son auteur appartient au courant du néo-japonisme et réalise des toiles offrant souvent plusieurs lectures, qui dépassent les premiers aspects décoratif et humoristique pour plonger dans l’histoire de l’empire nippon et voyager à travers le temps. Ses personnages invitent à quitter la morosité de la réalité quotidienne pour un ailleurs virtuel, forcément plus consolateur. Par son esthétisme, son travail est souvent comparé à celui de Takashi Murakami (né en 1962). Pas de morosité non plus chez Niki de Saint Phalle (1930-2002). Trois meubles-objets une table (73,5 x 80 x 60 cm), un tabouret et un vase réalisés en résine peinte et numérotés 19/20 du modèle «Serpent», conçu vers 1980-1982, exprimaient l’univers onirique, décalé et protéiforme de la créatrice à 42 108 €. Là aussi, des clés sont nécessaires pour comprendre tout ce que leur auteur voulait faire passer, et l’on ne doit pas s’arrêter à la légèreté apparente des couleurs vives et des sujets. Les reptiles modelés ici en témoignent. Elle écrivait : «En fabriquant moi-même des serpents, j’ai pu transformer en joie la peur qu’ils m’inspiraient (…), j’ai appris à apprivoiser ces créatures qui me terrorisaient.» Ces deux artistes de continents, de cultures et d’époques différents délivrent un même message : il faut regarder au-delà de ce que l’on voit.