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Coup(s) de Maître(s)

Publié le , par Emmanuel Ducamp

Réunis à Paris, les chefs-d’œuvre de la collection Chtchoukine permettent d’évoquer la frénésie d’acquisition des grands industriels russes de l’époque, sur fond d’opposition entre Saint-Pétersbourg et Moscou.

Le salon de musique, la salle des Monet et des impressionnistes au Palais Troubetskoy,... Coup(s) de Maître(s)
Le salon de musique, la salle des Monet et des impressionnistes au Palais Troubetskoy, 1914, 23 x 29 cm, photographie argentique sur gélatine, musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
© Photo Moscou, musée d’État des beaux-arts Pouchkine © Photo Atelier de photographie Pavel Orlov, beginning 1914
Sous le titre «Icônes de l’art moderne - La collection Chtchoukine», la fondation Louis-Vuitton vient de frapper un grand coup sur la scène des expositions. Elle est parvenu à déplacer et montrer ensemble près de la moitié des chefs-d’œuvre qui avaient été séparés en 1948, attribués alors par le gouvernement soviétique au musée d’État de l’Ermitage, à Leningrad, d’une part, et au musée d’État des beaux-arts Pouchkine, à Moscou, de l’autre. Si de semblables manifestations avaient dans le passé, par exemple à Essen en 1993, rassemblé des œuvres provenant des deux plus grandes collections russes d’avant-garde, celles d’Ivan Morozov et de Sergueï Chtchoukine, l’exposition de la fondation Vuitton est la première à ne mettre en avant que ce dernier, homme pour le moins hors du commun. Le succès «diplomatique» (?) est de taille quand on connaît la distance – respectueuse – que les deux musées observent l’un l’autre – ils sont quelque peu rivaux – et surtout l’incident que la présidente du musée Pouchkine, le Dr Irina Antonova, avait récemment provoqué en suggérant au président Poutine lui-même que tous les tableaux de l’avant-garde du XX e  siècle qui avaient été envoyés à l’Ermitage revinssent justement dans leur patrie d’origine, Moscou… Ce n’est pas de la rivalité entre deux institutions qu’il s’agira ici, mais bien de celle qui opposait Saint-Pétersbourg et Moscou pendant la seconde moitié du XIX e  siècle.   Claude Monet (1840-1926), Le Déjeuner sur l’herbe , 1866, huile sur toile, 82,5 x 101,5 cm, musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Dans l’esprit de Chtchoukine, et dans sa présentation au palais Troubetskoy, Monet faisait figure de point de départ  «classique» , accroché ensemble avec Degas, Pissarro, Maurice Lobre, ou Maurice Denis. © Photo Moscou, musée d’État des beaux-arts Pouchkine Une rivalité riche de conséquences Saint-Pétersbourg, capitale de l’Empire, siège de l’Académie impériale des Beaux-Arts, mais dans laquelle la modernité se sentait  et était  bridée. Déjà en 1863, à Saint-Pétersbourg, le mouvement dit des peintres Ambulants  qui aboutira à celui du Réalisme critique  avait ouvertement fait sécession contre l’Académie impériale des Beaux-Arts, ses règles trop rigides, et ce que les sécessionnistes voyaient comme une sujétion trop grande à la tradition occidentale. La Russie, et sa réalité, devaient revenir au centre du débat, clamaient-ils, et c’est justement la ville de Moscou qui allait progressivement se faire l’instrument, et le fer de lance de ce combat avec, comme alliés, des industriels…
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