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Costumes et accessoires de scène

Publié le , par Dimitri Joannides

Ils témoignent de la créativité de leurs dessinateurs, du talent de leurs couturiers et du savoir-faire des ateliers qui les ont réalisés.

Manteau de robe en velours de soie violet, broderie et paillettes or, porté par Arletty... Costumes et accessoires de scène
Manteau de robe en velours de soie violet, broderie et paillettes or, porté par Arletty dans Les Enfants du paradis,
Paris – Drouot, 3 mars 2004. Bailly-Pommery SVV. Mme Daniel.
7 176 € frais compris

Le comédien du XVIIe siècle admis dans une troupe devait fournir lui-même sa garde-robe ! C’est peu de dire que la mise en valeur de l’artiste risquait de dépendre de sa richesse et de son goût... Longtemps en matière de costumes de scène, le modèle antique imposa son style : toges de laine, tunique de satin bleu ciel, panaches de parade... Mais avec le temps, le vêtement, jusque-là simple attribut du comédien, en devint l’écrin. Pas un simple faire-valoir, mais le véritable lien entre le spectacle et la vérité ! D’où le soin porté à sa réalisation. Alors que le costume de comédie, bien que valet des modes, n’évolua qu’assez peu pendant près de trois siècles, ceux portés lors des grands drames romantiques et des opéras durent nécessairement se plier aux exigences de véracité historique. L’opéra, né à la fin du XVIe siècle en Italie, n’avait d’autre issue que d’être somptueux par son interprétation, ses décors et, bien naturellement, ses costumes. Créées pour être vues de loin, magnifiées par la lumière qui les sculpte, les tenues de scène étaient – et demeurent – avant tout des outils de travail, voire des secondes peaux pour les artistes qui les portent. Cette spécificité conduisit l’Opéra de France à créer dès son origine un poste de dessinateur de costumes. Preuve de l’importance de cette fonction, le choix du costumier par le metteur en scène à l’Opéra n’est libre que depuis 1914 !
 

Tunique en drap et velours bleu, buste rebrodé d’un «F» surmonté d’une couronne, d’inspiration Renaissance.Paris-Drouot, 18 février 2009. Cornette de
Tunique en drap et velours bleu, buste rebrodé d’un «F» surmonté d’une couronne, d’inspiration Renaissance.
Paris-Drouot, 18 février 2009. Cornette de Saint Cyr SVV.
125 € frais compris

Des réalisations fragiles et éphémères
Le costume de scène est le fruit de la rencontre de plusieurs savoir-faire. En amont, le costumier soumet des dessins au metteur en scène et peut, selon ses besoins, faire appel à des artisans spécialisés comme le perruquier ou le modiste (créateur de chapeaux) autour desquels les «arpettes» (apprentis) s’affairent pour apprendre les secrets des aînés. Vient ensuite le moment de choisir les tissus, étape complexe car ces textiles sont, par la nature de leurs composants, très fragiles. En effet, les fibres s’altèrent rapidement. Si l’on y ajoute ce que le spectacle peut imposer comme traitements usant prématurément les costumes, on comprend aisément qu’après plusieurs répétitions et représentations – et bien qu’ils soient doublés et renforcés, et souvent munis d’un système de fermeture sophistiqué garanti pour résister aux mouvements des comédiens sur scène –, ces costumes sont voués à une courte existence. N’oublions pas que certaines productions sont données pendant vingt, trente ou quarante années dans la même mise en scène, comme Petrouchka de Stravinski, à l’Opéra depuis 1948, un record ! Face à toutes ces contraintes, on comprend le défi qu’ont à affronter costumiers, couturiers et habilleurs. Même si les tissus, attaches et ornements sont régulièrement remplacés, la capacité de ces artisans d’art à restaurer et redonner vie demeure impressionnante. Et à chaque nouvelle distribution ses retouches particulières ! Sans compter les créations sur-mesure confectionnées pour les solistes et les premiers rôles, basées bien souvent sur des modèles authentiques. Étant parvenus à conserver leur monopole pendant près de trois siècles, les costumiers, dans les vingt dernières années du XIXe siècle, eurent maille à partir avec de nouveaux intervenants, parmi lesquels la haute couture fut la plus active. Le précurseur fut la maison parisienne Worth, habillant «à la ville comme à la scène» les comédiennes Rose Caron et Julia Bartet. Plus tard, Jacques Doucet vêtit Cécile Sorel et Réjane, et Jeanne Lanvin sublima Yvonne Printemps. Plus près de nous, le costume de théâtre a littéralement fasciné des couturiers comme Mugler, Saint Laurent ou Lacroix. Pour certains d’entre eux, cette attirance remontait loin dans leur enfance ou leur adolescence, tel Saint Laurent, fasciné par les pièces données au théâtre municipal d’Oran, ou Lacroix avec le théâtre forain. Difficile d’imaginer Cléopâtre sans son pectoral ou Saint Louis privé de son sceptre et sa couronne. D’où l’importance vitale des accessoires de scène. Des ateliers spécialisés dans leur fabrication existaient d’ailleurs bien avant que ne soient créés ceux de la Comédie-Française et de l’Opéra. On y créait notamment des masques en carton ou des accessoires en bois imitant le métal, allant jusqu’à sertir les colliers de perles en bois. Très vite, cependant, en dépit de la qualité du travail du métal et de la beauté des incrustations de pierres, ces formes ont paru répétitives et convenues. C’est finalement le souci de véracité historique de la fin du XVIIIe siècle qui encouragea les créateurs à rechercher les étoffes et accessoires les plus proches de ceux du passé. Par ailleurs, le succès des sujets orientalistes aidant, on vit apparaître des couvre-perruques en métal décoré, ou même des couronnes en perles et strass surmontées d’une tête de paon. L’imagination était débordante et l’illusion parfaite, allant jusqu’à se confondre avec la réalité : ainsi la femme de chambre de l’impératrice Joséphine rapporta-t-elle que, pour son mariage, Eugène de Beauharnais, souhaitant offrir à son épouse un cadeau original, fit réaliser la copie d’un diadème de tragédie de Mademoiselle Georges. Même René Lalique s’y essaya, réalisant plusieurs parures de scène pour Sarah Bernhardt – dont ne subsistent malheureusement que des dessins. Le bijoutier fut également le créateur d’un diadème en argent émail et camées pour Julia Bartet dans Bérénice en 1899, aujourd’hui visible au musée Lambinet de Versailles. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la conception du bijou de scène connut une réelle évolution, du fait notamment des possibilités offertes par les matériaux nouveaux : la résine, le latex ou le faux métal. Si le bronze ou le laiton ne sont pas totalement abandonnés, ils se voient parfois remplacés par les galons de passementerie, peints et ornés de perles. La preuve avec Christian Lacroix qui, pour Phèdre, représentée à la Comédie-Française en 1995, fit accompagner les costumes de bijoux en dentelle et latex patiné.
 

Couronne de Vierge en métal doré, XIXe siècle. Paris-Drouot, 18 février 2009. Cornette de Saint Cyr SVV. 702 € frais compris
Couronne de Vierge en métal doré, XIXe siècle.
Paris-Drouot, 18 février 2009. Cornette de Saint Cyr SVV.
702 € frais compris
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