Jusqu’au 13 juillet prochain, la bibliothèque Forney à Paris consacre une exposition à cette grande figure de l’illustration de jeunesse, «Jacqueline Duhême, une vie en couleurs». Sous le marteau, c’est un ensemble de cent lettres, ornées de dessins et aquarelles, qui met en lumière son style vif, très personnel, coloré et plein de fantaisie, ainsi que les relations qu’elle entretint avec Paul Éluard. Du haut de ses 20 ans, la jeune femme est éperdument amoureuse du poète. Tous les quatre ou cinq jours pendant un an et demi, elle exprime sa passion. Tendresse, humour, plaintes, reproches, résignation, tous ces sentiments s’entremêlent. Ces missives apportent aussi un témoignage unique sur Henri Matisse. Née à Versailles, élevée entre la France et la Grèce, Jacqueline Duhême est engagée par le peintre comme assistante ou aide d’atelier, mais elle tient aussi occasionnellement les rôles d’aide-soignante, modèle, lectrice, dame de compagnie ou confidente. Matisse se montre paternel. Les récits abondent sur la vie quotidienne du peintre, sur les écrivains et les artistes qui fréquentent sa maison. «J’ai vu Jacques Prévert qui m’a donné son livre Le Petit Lion… [1947] C’est un rudement gentil homme. C’est drôle que tous les poètes aient le nez de travers…» On croise aussi «ce vieux loustic de filou de Chagall», ce «crasseux mal repassé de Tériade sans ratelier». Pablo Picasso, Florence Gould, Louis Aragon et Elsa Triolet apparaissent épisodiquement. L’amitié entre Jacqueline Duhême et Paul Éluard restera jusqu’au décès de ce dernier, en 1952.