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Comprendre et utiliser les indices de prix dans l’art

Publié le , par Silke Rochelois

D’une réelle utilité, les indices requièrent néanmoins une bonne compréhension de ce qu’ils sont à même d’apporter ainsi qu’une certaine connaissance préalable du marché de l’art. Avis aux investisseurs.
 

    Comprendre et utiliser les indices de prix dans l’art
   

La tendance actuelle va dans le sens d’une demande croissante pour tout outil permettant une analyse approfondie du marché de l’art. Les indices de prix en font partie car ils ambitionnent d’offrir une information synthétisée et modélisée du sous-jacent ainsi qu’un marché plus transparent à leurs utilisateurs. On compte parmi ces derniers des galeries, des marchands d’art, des banques, des gestionnaires de patrimoine, des fonds d’investissement, des assureurs, des avocats ainsi que des investisseurs. Un nombre croissant d’entre eux font appel à des indices afin de confirmer ou d’infirmer leur intention d’acquérir, de conserver ou de vendre une œuvre d’art. Certains plus avérés que d’autres, ils auront tout lieu de vouloir comprendre comment ces indices sont confectionnés et apprécier leur utilité dans la pratique.
Des indices empreints de spécificités
Une œuvre d’art est un bien de consommation ayant de surcroît une valeur esthétique. Elle présente des particularités qui font que l’établissement d’un indice de prix s’avère moins aisée qu’avec d’autres actifs tels que les titres boursiers. Parmi ces spécificités, on note son hétérogénéité (objet unique), une fréquence de transactions basse voire rare (à la vente comme à la revente) et l’absence de retour par le biais de versements de dividendes ou d’intérêts. L’objectif de tout indice est de mesurer la progression, ou l’absence de progression, du prix d’un actif ou d’un ensemble d’actifs. Dans le cadre du marché de l’art, il permettra ainsi d’estimer les résultats du marché dans son ensemble ou plus spécifiquement la rentabilité d’un artiste ou d’une œuvre donnée. Toutefois, contrairement aux indices boursiers qui suivent les prix d’actifs cotés en bourse jour après jour, les indices dans l’art ne sont pas des outils de placement permettant de suivre un investissement en tant que tel. Il est donc tout à fait possible d’investir dans un fonds de placement qui suit un indice boursier tel que le CAC 40 ou le S&P 500 alors que l’on ne pourra pas placer de l’argent dans un fonds basé sur un indice spécifique au marché de l’art.
Des indices multiples
Il existe aujourd’hui une multitude d’indices publiés sur le marché de l’art. Des chercheurs ainsi que des sociétés telles qu’Artnet, Sotheby’s et Artprice les créent, ou les acquièrent et les perfectionnent. Ainsi, Artnet, à New York, publie environ 90 indices dits «génériques», et en crée d’autres plus spécifiques. «Nous essayons de couvrir tout ce que l’on peut : en fonction d’une géographie, de périodes, d’un segment, d’un artiste, de catégories d’œuvres chez un artiste. Le plus important est d’offrir des indices qui correspondent aux besoins de l’investisseur. Les indices génériques sont utiles pour avoir une vision générale du marché. La plupart d’entre eux sont toutefois faits sur mesure», précise Fabian Bocart, vice-président du département d’analyses de données d’Artnet. Un indice doit en effet refléter une réalité : l’investisseur souhaite généralement acheter ou vendre une seule pièce (et non une collection entière). L’objectif étant alors de construire un indice le plus précis possible par rapport à l’œuvre concernée. De plus, il existe souvent une forme de discrimination (des prix) au sein de l’ensemble de l’œuvre d’un artiste et un indice sur toute sa carrière artistique peut ne pas suffire. Il sera alors être utile d’en créer qui ne couvrent que certaines périodes. C’est toutefois une arme à double tranchant. Ainsi que l’explique Thierry Ehrmann, président fondateur d’Artprice, société française qui publie environ 450 indices différents : «Le problème se situe au niveau des données dont nous disposons. Bien que notre base de données soit très riche, plus un indice est spécifique moins il y a d’informations pour le construire.» L’indice peut donc s’avérer moins efficient, étant donné qu’il sera constitué d’un plus petit panier d’œuvres semblables, et donc d’un échantillon plus fortement biaisé.
Des bases de données et méthodologies différentes
Un investisseur doit également porter toute son attention sur la manière dont un indice est construit afin de bien comprendre l’information qu’il est en mesure de communiquer et des limites qu’il doit lui attribuer. En effet, les différences de méthodologies et celles des bases de données utilisées sont significatives d’un indice à un autre. Concernant les bases de données, tous les indices sur le marché de l’art souffrent de la même imperfection, due à la partialité des éléments accessibles. Les données qui composent ces indices sont en réalité un historique des ventes d’œuvres d’art répertoriées. Mais cela ne concerne toutefois pas l’intégralité des ventes car seules les informations relatives aux enchères publiques sont prises en compte. Ce qui de facto exclut les ventes privées par le biais de maisons de ventes, de marchands ou de galeries d’art… soit plus de la moitié de toutes les cessions d’œuvres sur le marché ! Selon Thierry Ehrmann, la base de données d’Artprice remonte à 1987 et comprend environ 657 000 artistes tandis que celle d’Artnet date, d’après Fabian Bocart, de 1984, et incorpore à peu près 330 000 artistes. Tous deux précisent que sont observées les ventes aux enchères en ligne de la plupart des acteurs du marché et les œuvres d’une valeur au moins égale à 10 000 €. Les diverses méthodologies utilisées afin de construire un indice tentent quant à elles de résoudre les difficultés posées par les spécificités que présentent une œuvre d’art. Ainsi, certaines méthodes ne comptabilisent que les œuvres ayant fait l’objet d’au moins deux ventes, tandis que d’autres prennent en compte les attributs comme la taille, le médium ou la maison de ventes. Certains indices indiquent un prix moyen, en fonction d’un échantillon d’œuvres et d’autres non. Enfin, certains combinent les différentes méthodes précitées. Chaque approche présente ainsi ses avantages et ses inconvénients. Étant donné la disparité des méthodologies et des bases de données employées, il est aisé de comprendre pourquoi les indices qui en émanent peuvent aussi diverger dans leurs résultats.
Autres éléments à prendre en compte
Dans le cadre d’un investissement, il existe bien entendu toutes sortes d’autres mesures à prendre en compte, autres que celle des indices de prix. La plus importante étant le degré de liquidité dont dispose une œuvre d’art. Ainsi, les œuvres les plus faciles à mettre en vente seront amenées à bénéficier de meilleurs résultats. En effet, le taux d’invendus d’un artiste ou d’une certaine période de sa création doit être observé. Il devient alors nécessaire de comprendre quels sont les goûts du moment et de pressentir ce qui plaira à l’avenir. Afin d’utiliser ces indices de prix au mieux, un investisseur aura donc tout intérêt à détenir une connaissance préalable du marché de l’art et à avoir assimilé la manière dont ces outils dissèquent et catégorisent le marché (par géographie, période, artiste). Des sociétés telles qu’Artprice et Artnet travaillent en permanence sur l’amélioration de leurs indices. Avec les nombreux progrès méthodologiques et technologiques en cours, il est probable que ceux-ci se perfectionneront afin de devenir des outils reconnus et de référence comme cela est déjà le cas pour nombre d’autres actifs.


À savoir 
Quelques données chiffrées sur les indices en matière d’art contemporain : Artprice publie un indice Art Contemporain faisant état d’une croissance à hauteur de +115% pour la période 2000-2017.
Artnet, quant à elle, communique par le biais de son Global Contemporary Index une progression de +3,5% pour les 6 derniers mois (2017) et de +21,5% sur une période d’un an (août 2016-2017).
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