Année difficile pour Cologne Fine Art. La conjoncture, tout comme les clients, n’y était pas. Bilan médiocre qui clôt une année compliquée pour les foires de ce segment.
Décidément, 2018 sera une année à oublier pour les foires en Allemagne. Après une édition d’Art Cologne en demi-teinte et l’abandon des salons régionaux notamment Art Düsseldorf par MCH, ce quarante-neuvième couplet de Cologne Fine Art ne termine pas l’année sur une note réjouissante. Avec une fréquentation en baisse de 15 % (passant de 17 000 à 14 500 visiteurs) et beaucoup d’exposants moyennement ou peu satisfaits, il est bien difficile d’aborder le jubilé de l’année prochaine avec confiance ou enthousiasme.
La conjoncture ?
Avant même de s’exprimer sur leur contentement quant à cette nouvelle édition, la plupart des exposants mettaient en avant l’environnement délicat. Il s’agissait poliment de ne pas mettre directement en cause l’organisation, qui était comme toujours sans faille. Difficile de toute manière de le nier, l’état du monde des galeries d’art, et en particulier pour le fine art, n’est pas au mieux de sa forme : la plupart des foires spécialisées (Biennale Paris, Tefaf NY, etc.) peinent à renouveler leur public, et l’intérêt des collectionneurs comme pour les autres segments du marché de l’art se polarise sur les plus beaux objets, ou au contraire sur les pièces peu onéreuses, qui font difficilement vivre les marchands. «Les clients étaient à la recherche d’œuvres peu ou moyennement chères, des objets à des prix accessibles. Ils n’étaient pas venus chasser les chefs-d’œuvre», précise Philippe David de la galerie éponyme à Zurich. «La scénographie était comme d’habitude excellente, mais davantage de collectionneurs n’auraient pas été de refus. Le choix des exposants pourrait aussi être encore amélioré. Nous avons vendu quelques pièces et avons pu rencontrer nos clients, ce qui est toujours bien». Philip Ennik confirme ces dires : «La foire est performante jusqu’à 150 000/200 000 €». Il a vendu une peinture de Pierre Klossowski, de 1979, pour presque 80 000 € et un tableau de Louis Soutter pour environ 100 000 €. «Nous avons espoir de vendre encore quelques pièces suite à la foire. Les œuvres classiques ont mieux fonctionné pour moi que le contemporain. J’ai été surpris de ne recevoir aucun intérêt pour la fantastique fresque de Bernard Frize que nous présentions. Même si les visiteurs étaient globalement de qualité, cela manquait de très grands collectionneurs», regrette-t-il. Comme le précise Irina de Waziers-Berko, de Berko Fine Paintings (Knokke-Heist) dont c’était la première participation, «les amateurs importants étaient surtout au rendez-vous pour l’ouverture».
objets décoratifs classiques
Les marchands d’art tribal semblaient au contraire y trouver leur compte. Le Bruxellois Martin Doustar décrivait l’ambiance comme «excellente, collégiale et sympathique», c’était pour lui sa «meilleure année». Il nous confie avoir réalisé «beaucoup de ventes» et n’avoir rencontré «que des nouveaux clients». Il a notamment cédé une idole indo-gangétique autour de 15 000 €. «La tendance va vers les objets décoratifs classiques. J’ai eu moins de réussite avec le tribal, et davantage avec l’art asiatique.» La galerie Simonis vendait quant à elle un fétiche du Congo pour 38 000 €. L’autre Bruxellois, Patrick Mestdagh, était lui aussi enthousiaste : «Pour notre troisième participation, 90 % de nos cessions concernaient de nouveaux collectionneurs. Il me semble que l’Afrique était davantage recherchée cette année, même si nous avons aussi vendu un très beau club fidjien.» À noter également, une chaise en bois Mangbetu pour un peu moins de 5 000 €. Sunhee Choi, de la galerie contemporaine locale Choi & Lager, met en avant le faible coût de participation à l’événement, qui rend l’opération intéressante pour elle : «Entre 3 500 et 10 000 €, il était possible de travailler, au-delà, ce fut difficile. Nous avons en revanche fait de belles rencontres avec des galeries et des institutions allemandes. Les collectionneurs ici sont de vrais passionnés, ils prennent le temps de discuter, de s’informer ; ils cherchent les coups de cœur… mêmes si les prix sont plus bas que dans les grands rendez-vous internationaux.»
Un «retour en arrière»
L’école parisienne faisait très fort, notamment sur le stand des Zurichois de la galerie von Vertes qui cédait plusieurs peintures de Serge Poliakoff pour un total de 300 000 €. Mais malgré les efforts des équipes de Georgia von Vertes, c’est bien Manuel Ludorff, le spécialiste de l’expressionnisme allemand de Düsseldorf, qui remportait la palme des meilleures ventes de Cologne Fine Art : une peinture de Gabriele Münter pour 350 000 €, une toile de Winfred Gaul pour 14 000 €, mais surtout une réservation pour une œuvre d’Ernst Wilhelm Nay à 1,25 M€ et beaucoup d’intérêt pour le Russisches Mädchenpaar d’Otto Mueller, datant de 1919. «Cologne Fine Art attire principalement des clients allemands qui se sont montrés plutôt impulsifs cette année. Par contre, aucun client étranger à l’horizon. La foire peine aussi à se renouveler, contrairement à Art Cologne par exemple, nous explique Manuel Ludorff. La perception qui prévaut pour le moment est celle d’un véritable retour en arrière, mais peut-être que des aftersales viendront faire évoluer cela.» Et d’ajouter : «Les marchands allemands sont particulièrement pénalisés, même si la mise en place de la TVA sur la marge rend moins dramatique le passage d’un taux de 7 % à 19 %, il reste toujours plus intéressant pour les clients d’acheter auprès de galeries suisses ou américaines. Les changements appliqués aux lois sur le patrimoine culturel nous ont également fait beaucoup de tort, suscitant encore plus d’interrogations de la part de nos collectionneurs, surtout sur notre segment de pièces importantes.» Si l’on demande aux exposants s’ils seront présents l’année prochaine pour le jubilé, peu sont catégoriques. Seuls Martin Doustar, Patrick Mestdagh, Manuel Ludorff et Sunhee Choi font déjà le pari de Cologne Fine Art pour 2019. En ces périodes de fêtes, souhaitons néanmoins le meilleur à l’événement pour l’édition suivante : Frohe Weihnachten !