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Clélie Debehault et Liv Vaisberg, le design dans la peau

Publié le , par Mikael Zikos

Collectible a tout pour plaire. Centrée sur le design contemporain de collection, cette nouvelle manifestation ouvre ses portes à Bruxelles avec l’ambition, iconoclaste et stratégique, de briser les codes de la foire d’art. Explications avec ses fondatrices.

Clélie Debehault et Liv Vaisberg, cofondatrices de Collectible. Clélie Debehault et Liv Vaisberg, le design dans la peau
Clélie Debehault et Liv Vaisberg, cofondatrices de Collectible.
© Miles Fischler

Comment avez-vous tiré parti de vos parcours professionnels respectifs afin de créer cette nouvelle foire ?
Clélie Debehault Nous avons été présentées par une amie en commun durant la foire Paris internationale. Étant issues du milieu de l’art contemporain [Clélie Debehault fut directrice adjointe chez Daniel Templon et Liv Vaisberg codirectrice de la foire new-yorkaise Independent à Bruxelles, NDLR], vivant et travaillant entre Paris, Bruxelles et Anvers, nous nous sommes intéressées au design actuel suite aux goûts et aux besoins des clients de nos activités indépendantes de conseil et de commissariat d’exposition, en collaboration avec des architectes d’intérieur et des designers. Travailler dans le premier marché de l’art nous a aussi amenées à être directement en contact avec les processus créatifs des artistes. Notre idée de départ pour ce projet a donc évolué d’une envie de concevoir un événement ponctuel dans un bien immobilier à vendre à Bruxelles, et qu’il aurait été possible d’investir en mêlant art et design, sur le modèle de ce qui se faisait à Paris, à une foire internationale de design située dans la même ville, tant elle dispose de galeries de premier plan et d’un public averti. Notre accès privilégié au bâtiment Vanderborght, situé au centre et qui est connu du monde de l’art grâce aux deux premières éditions belges d’Independent s’y étant tenues, nous a également aidées afin de concrétiser notre vision pour Collectible.
En quoi cette foire se distingue-t-elle de Design Miami et d’autres événements comme le PAD, au-delà du fait d’être exclusivement dédiée au design du XXIe siècle ?
Liv Vaisberg Nous souhaitions dès le départ nous démarquer des manifestations présentant du design industriel et des pièces historiques, de l’art et des objets de collections anciens. Se positionner, se différencier et donner une identité unique à Collectible était fondamental. Collectible présente donc uniquement du design contemporain de collection : des pièces uniques et des éditions limitées. Certes, ce secteur compte moins d’acteurs, mais il est très dynamique.
Du marché du «designart» et son mobilier aux qualités sculpturales, proche de l’art contemporain, à l’instauration du terme «design de collection» afin de le raccrocher à l’architecture d’intérieur,
ce secteur a en effet changé… De quelles évolutions la première édition de Collectible va-t-elle témoigner en matière de création, de production et de collection du design aujourd’hui ?

Clélie Debehault La foire va en rendre compte, car nous convions différents acteurs et métiers du milieu. Dans les 4 600 mètres carrés du bâtiment que nous investissons, les exposants seront répartis en fonction de ce qui les distingue. Au rez-de-chaussée, un premier panel de galeries et de designers qui
s’autoproduisent sera accompagné d’un espace consacré à un studio de création et à une institution. La parisienne Ymer&Malta y présentera ses derniers travaux, menés en
collaboration avec le Noguchi Museum de New York. Les niveaux suivants accueilleront des galeries établies, comme Maniera ou Victor Hunt. Aux troisième et quatrième étages, des designers émergents ou confirmés, à l’instar de Xavier Lust, prendront place aux côtés de plusieurs espaces alloués à des magazines internationaux, tel
Modern Design Review, qui ont carte blanche pour montrer des créateurs de leur choix. De nombreux projets spéciaux auront aussi leur place, à l’instar des éditions du producteur de marbres et de pierres dures Van den Weghe. Enfin, le cinquième et dernier plateau sera l’occasion pour une poignée de centres d’art et de musées spécialisés, comme le Frac Nord-Pas-de-Calais et le Design Museum Gent entre autres, d’exposer et d’annoncer leurs activités. Une partie sera réservée à des conférences, grâce à l’intervention du Centre d’innovation et de design au Grand Hornu, dirigé par Marie Pok, des collectionneurs d’art ou de design et même d’un commissaire-priseur, afin d’envisager la valeur commerciale du design contemporain de collection sur le second marché. Grâce à ce programme, qui s’étend jusqu’en ville avec un parcours «VIP» et une intervention au musée Horta, nous allons renforcer l’aspect didactique de Collectible et aider le collectionneur à identifier véritablement les spécificités du design contemporain de collection, tout en répondant aux questions qui pourront naître lors de ces talks qui s’aventureront au croisement des arts plastiques, de l’architecture, de la fonctionnalité…

 

Ymer&Malta/Océane Delain. Belle de nuit, collection “Akari Unfolded”, biscuit de porcelaine, métal et LED.
Ymer&Malta/Océane Delain. Belle de nuit, collection “Akari Unfolded”, biscuit de porcelaine, métal et LED. © YMER&MALTA/OCÉANE DELAIN


Quelles furent les réactions des acteurs du design contemporain de collection approchés afin d’exposer à Collectible ?
Clélie Debehault Notre concept hybride, qui mêle les réseaux et les ressources du secteur du design de collection  créateurs, éditeurs, galeristes, maisons de ventes, musées, publications spécialisées, etc. , a d’emblée plu aux personnes que nous avons contactées. Le format commercial du design, quelle que soit sa forme, évolue, et beaucoup de galeries ont été dépassées par la cadence du calendrier des foires, et la course à la nouveauté qui va avec. Par exemple, Tools Galerie à Paris, qui ne souhaitait plus y participer, a accepté de venir à Collectible. Si le concept de l’exclusivité fait partie du luxe, ce n’est pas un critère pour nos exposants : ils peuvent choisir de montrer une œuvre expressément conçue et éditée, comme c’est le cas de Paulin Paulin Paulin, qui proposera de nouvelles éditions de Pierre Paulin, ou d’exposer des pièces récentes illustrant leurs activités.
De nombreux designers, forts de leur statut d’autoproducteur, y exposeront aussi sans leurs galeries. Face aux changements que traverse le genre, multiple, du design contemporain de collection, les maisons de ventes aux enchères ont également compris qu’elles avaient une carte à jouer. La place que nous accordons également aux institutions publiques, qui souhaitent acquérir le meilleur du design de demain, et aux magazines, qui ont un rôle de prescription auprès de tous les publics, nous permet d’être plus qu’une simple foire mais une vraie plateforme au service du design contemporain. Ici, chacun va apporter ce qu’il souhaite et va repartir, nous l’espérons, avec ce qu’il était venu chercher. Et puis, la Belgique est à la fois un
hub international et une terre de collectionneurs très au fait de ce qui se fait… Enfin, le format original de Collectible, qui se parcourt comme une exposition plus que comme une foire traditionnelle, a jusqu’ici également séduit. Au final, le processus de sélection fut un succès. Nous espérions vingt-cinq à trente-cinq exposants et, à la veille de l’ouverture, nous en sommes à près de soixante.
À quels résultats les membres de votre comité de sélection  Jan Boelen, Tony Chambers, Maria Cristina Didero et Pascale Mussard  vous ont-ils menées ?
Clélie Debehault Nous ne sommes pas connues dans le milieu du design. Avoir un comité de sélection nous a donc permis d’obtenir un aval au sein de ce réseau bien spécifique, des pays anglophones à l’Italie, et de valider la sélection des exposants que nous avions faite. Le directeur de publication du magazine Wallpaper, Tony Chambers, a immédiatement été réceptif à notre projet, de même que la curatrice Maria Cristina Didero, dont nous avions apprécié les dernières expositions radicales lors du Salon du meuble de Milan.
Comment votre foire va-t-elle exploiter l’architecture moderniste de l’immeuble Vanderborght, où interviendra l’artiste Richard Venlet, en charge de la scénographie ?
Liv Vaisberg C’est en tirant parti tout à la fois de l’histoire de ce lieu, qui fut construit par les frères Vanderborght afin d’accueillir leur enseigne de meubles, de sa configuration autour d’un superbe atrium central, et de l’usage récent qu’en a fait la foire Independent, que nous avons opté pour un plan à l’inverse d’une grille de stands classique avec une allée centrale. Aucun exposant n’est ainsi laissé de côté, et chacun peut exploiter ses espaces sans devoir y accumuler le maximum de choses. Pour le visiteur, ce parcours permet d’aller à la rencontre de ces acteurs du design et des intervenants, les conférences se tenant au niveau du café-restaurant attenant à la terrasse de cet endroit, surplombant Bruxelles. Comme nous ouvrons juste avant la Tefaf de Maastricht, nous attendons près de 15 000 visiteurs, pour des pièces allant de 2 500 € jusqu’à environ 100 000 €.

 

Vue intérieure de l’immeuble Vanderborght à Bruxelles, le lieu d’exposition de la foire Collectible.
Vue intérieure de l’immeuble Vanderborght à Bruxelles, le lieu d’exposition de la foire Collectible. © Hugard and Vanoverschelde
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