regard passionné et éclairé à la fois d’un couple de collectionneurs, Gérard et Jeanne-Yvonne Borg, qui ont réuni en une cinquantaine d’années un fonds unique. À partir de cet ensemble, les musées de Rouen organisent cinq expositions – offrant une pluralité de regards, qui permettent quasiment de suivre l’essor de la collection –, autour de grands thèmes : une histoire du cirque du XVIIIe au XXIe siècle, les métamorphoses d’un art depuis les acrobaties des saltimbanques, la centralité du cheval, l’apparition de l’exotisme colonial. On suit le rapprochement avec les industries du spectacle et des loisirs, le regard porté sur la vie du cirque jusque dans les coulisses, la fabrication d’un mythe à partir des affiches, la naissance d’une architecture singulière, d’une esthétique de décor et du costume. L’ensemble donne à voir le surgissement d’une culture du cirque à proprement parler. C’est stimulant, quelquefois vertigineux. Dans le noyau dur de cette manifestation, au musée des beaux-arts, on trouve les volets « artistiques » : affiches, bronzes et peintures (comme deux petits Rouault superbes) et des objets de collection. Une salle est réservée notamment aux photographies, une autre consacrée à l’atelier d’affiches Adolph Friedländer. Ni tiré vers le haut, comme c’est souvent le cas lorsque les musées évoquent le cirque, ni vers le bas pour n’en souligner que la dimension populaire, l’exposition restitue à la noblesse du cirque sa juste dimension artistique, voire anthropologique. La matière de « Cirque et saltimbanques » est telle qu’elle pourrait fort bien figurer dans des musées comme celui du quai Branly. En ces temps difficiles, une telle programmation apparaît comme une belle prouesse.