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Chic planète

Publié le , par Anne Doridou-Heim

En interrogeant le ciel depuis plus de deux mille cinq cents ans, la science a donné naissance aux globes et aux sphères, instruments de perfection réunis dans une exposition à la BnF.

Abbé Jean Antoine Nollet et Louis Borde, Globe céleste, 1728, diam. 32,5 cm, h. 55... Chic planète
Abbé Jean Antoine Nollet et Louis Borde, Globe céleste, 1728, diam. 32,5 cm, h. 55 cm.
© Paris, Bibliothèque nationale de France, département des cartes et plans

La Terre est ronde, c’est aujour-d’hui une évidence. Cette exposition, à la fois scientifique, historique et esthétique, rappelle cependant qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Riche d’ouvrages érudits, de gravures coloriées, de peintures anciennes et d’objets magnifiques, elle raconte comment des hommes de savoir, de l’Antiquité à l’époque contemporaine, ont contribué à faire évoluer l’hypothèse d’un «monde en sphères». Les savants grecs sont les premiers à oser la formuler dès le VIe siècle av. J.-C., avec Pythagore, puis Platon, Aristote et Ptolémée. La donnée acquise – la plus ancienne sphère céleste connue, datant de 200 av. J.-C., en argent et gravée, est ici présentée –, ensuite fallait-il situer la Terre dans l’univers. Le géocentrisme a régné jusqu’au XVIe siècle, aidé par la venue et la montée en puissance du christianisme, pour lequel il n’était pas envisageable de mettre la planète bleue ailleurs qu’au centre de l’univers connu. Un propos érudit qui nécessite des explications claires pour être appréhendé dans toute sa spécificité par le commun des visiteurs. C’est ce qui est fait ici : les objets exposés et les légendes d’une grande précision expliquent notamment comment, l’Empire romain ayant entraîné avec lui dans sa chute les acquis des scientifiques de l’Antiquité, le monde islamique a pris le relais et a fabriqué des instruments qui, à une grande finesse d’exécution, joignent l’exactitude des calculs. Quatre globes célestes antérieurs au XVe – sur la dizaine connue –, concentration de leurs calculs astronomiques, sont ici montrés, dont celui attribué à Ibrahim Ibn Saïd al-Sahli al-Whazzan, actif en Andalousie au XIe siècle.
La tête dans les étoiles
Car les globes sont bien le cœur palpitant de ce parcours de près de 200 pièces, présentées dans une première édition au Louvre Abu Dhabi en 2018. Ce sont eux qui expriment encore l’évolution de la vision du monde, lorsque le XVIe siècle marque enfin le triomphe de la raison sur l’obscurantisme, les progrès des observations rendant de plus en plus improbables le système géocentrique et l’immobilisme de la Terre. Cette approche particulière «tisse ensemble les fils de l’histoire des sciences, des représentations et de la dimension philosophique», selon les propos de François Nawrocki, cocommissaire de l’exposition. D’ailleurs, pas de hasard dans la science : nous sommes en 2019, soit cinq cents ans tout juste après le départ de Magellan pour son tour du monde. La sphère a achevé sa première révolution, elle ne sera plus contestée. Les lecteurs de La Gazette le savent bien, qui sont habitués à voir annoncés dans ces pages les ventes et les résultats de ces instruments recherchés des collectionneurs. Arrivent les XIXe et XXe siècles, sa popularisation et sa mue pour devenir outil éducatif et vecteur d’imagination. L’existence de mondes pluriels en mouvement n’est plus une hypothèse… L’exposition, qui n’écrit pas le mot «fin» – il reste tant à découvrir de l’univers infini –, confirme que la Terre est le plus bel endroit du ciel.

«Le monde en sphères», Bibliothèque nationale de France - François-Mitterrand,
quai François-Mauriac, Paris 
XIIIe, tél. : 01 53 79 53 79.
Jusqu’au 21 juillet 2019.
www.bnf.fr
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