«Charogne puante», «luxure ardente», voilà comment Gratien du Pont de Drusac, dans son livre Les Controverses des sexes masculin et féminin (1524), considérait la femme. La misogynie sans complexe comme preuve de la supériorité de l’homme est une opinion martelée contre laquelle la femme de la Renaissance doit constamment faire face. En une cinquantaine de livres manuscrits ou imprimés, souvent richement illustrés et merveilleusement mis en pages, exposés dans l’écrin de la bibliothèque du musée Condé, on mesure le chemin parcouru depuis Christine de Pizan (1363-1431), considérée comme la première femme de lettres française et que l’on qualifie aujourd’hui de féministe. Période charnière, l’expansion du livre imprimé accentue même l’emprise masculine sur le savoir, tout en multipliant les sujets sur les femmes et l’amour, ce qui permettra à des auteurs femmes de s’immiscer dans le débat et les joutes littéraires, puis de signer des essais revisitant les classiques. C’est dans l’élite princière et du pouvoir que se distinguent les premières autrices telles Anne de France (1520) ou Marguerite de Navarre (1531). Viennent ensuite celles de la bourgeoisie intellectuelle, sans oublier des femmes d’exception comme la poétesse Louise Labé, fille de cordier. L’histoire littéraire au féminin se lit dans l’intimité de livres rares, voire uniques, avec dédicaces aux princesses et emblèmes royaux, grâce à des cartels clairs et adaptés au grand public. On croise nombre d’auteurs femmes ou hommes, aujourd’hui méconnus, et des femmes bibliophiles qui aimaient faire relier luxueusement les livres. La bibliothèque de Diane de Poitiers est l’une des plus précieuses de la Renaissance. Bien que la thématique du livre de femme n’ait jamais été un champ de collection avant le XXe siècle, ces «livres au féminin» ont été légués dans la fantastique collection du duc d’Aumale, qui s’est sans cesse enrichie.