Comment deux frères qui n’ont jamais pu se supporter ont-ils réussi à fédérer un pays derrière leurs chansons ? Certainement par la qualité de ces «hymnes de stade» écrits et composés par l’aîné, Noel, et interprétés avec morgue et nonchalance par Liam. Mais l’explication n’est pas que musicale. Issus d’une famille dysfonctionnelle de la classe populaire mancunienne, les frères Gallagher, en devenant les nouveaux Beatles dans les années 1990, ont redonné une fierté à un prolétariat se remettant tout juste du thatchérisme. Leur outrance et leur tendance au sabordage les distinguent des autres formations britrop telles que Blur ou Pulp, à l’apparence plus proprette. Oasis, c’est «la revanche des ploucs», pour reprendre le titre d’un livre de Nico Prat et Benjamin Durand qui en retrace l’histoire. «Wonderwall», «Don’t Look Back In Anger», «Rock ‘n’ Roll Star», «Some Might Say»… Leurs tubes ont permis à la Grande-Bretagne de devenir la «Cool Britannia». «C’est avec tristesse et un grand soulagement que je vous annonce que j’ai quitté Oasis ce soir. Les gens diront et écriront ce qu’ils voudront, mais je ne peux plus travailler avec Liam un jour de plus» : le communiqué publié par Noel le lendemain de leur dispute du 26 août 2009 au festival Rock en Seine entérine la fin du groupe. Cette ultime brouille, où des coups auraient été échangés, a fait une victime collatérale : la Gibson ES-355 de Noel, brisée pour avoir servi de projectile. Elle était sa préférée : «D’habitude, je choisis juste ma Gibson 355 de 1960, c’est la base de tout… Ma 355 […] est la meilleure guitare de toute ma vie.» Elle apparaît pour la première fois dans le clip de «Stand By me», issu de l’album Be Here Now (1997). Cette six-cordes au corps massif, identifiable par ses deux ouïes décoratives, fut prisée par B.B. King, Clapton ou Johnny Marr, des Smiths. C’est justement par admiration pour ce dernier que Noel et Bernard Butler, de Suede, se sont offert la même. En 2011, l’ex-Oasis confie l’instrument abîmé à Philippe Dubreuille. Ce luthier installé à Londres a pour habitude de travailler pour les grands noms : Iggy Pop, Ben Harper, Joe Perry (Aerosmith), Billy Gibbons (ZZ Top), Robert Smith (The Cure), Andrew Innes (Primal Scream)… Parfaitement restaurée, cette Gibson à l’allure désormais «vintage correct» a repris du service pour High Flying Birds, le projet solo de Noel. Mais voilà, chaque coup de médiator ravive les plaies d’Oasis. Il a finalement décidé de s’en séparer et de clore le chapitre de son ancien groupe. Si la nouvelle réjouira les collectionneurs, elle douchera un peu plus les espoirs des fans rêvant d’une réunion des deux sales gosses de Manchester. De son côté, Liam poursuit sa propre carrière… Il a pourtant plusieurs fois déclaré en interview espérer un jour leur reformation. Qui sait, l’histoire du rock est riche en rebondissements !