Depuis 1977, l’événement fédère antiquaires et galeries du quartier de Saint-Germain-des-Prés, à Paris. Du 6 au 15 juin, la 41e édition est placée sous le signe du voyage. Avec un large éventail d’objets rares et de curiosités.
Un vent nouveau va-t-il souffler sur le Carré Rive Gauche ? Cette manifestation, qui fédère plusieurs dizaines d’antiquaires et de galeries du quadrilatère formé par le quai Voltaire et les rues des Saint-Pères, de l’Université et du Bac, a connu des jours meilleurs. On se souvient de la foule compacte qui se pressait, il y a longtemps, devant des officines toutes ouvertes. Les rangs du public, comme ceux des participants, se sont depuis clairsemés. L’organisation, aux mêmes dates, du Printemps asiatique, pourrait lancer une dynamique et avoir un impact positif sur la fréquentation de l’événement, qui a choisi cette année un thème séduisant et facile à décliner avec l’Orient : le voyage. On connaît le principe, chaque marchand sélectionne un objet en lien avec la thématique, et s’applique à le mettre en scène. «C’est un véritable musée à ciel ouvert. À travers la diversité des propositions, c’est une histoire de l’art qui s’écrit, une histoire qui a commencé plusieurs millénaires avant notre ère, et qui se poursuit aujourd’hui. Le Carré Rive Gauche est le seul endroit au monde où l’on peut voyager d’un siècle à l’autre en changeant simplement de rue», proclame le marchand Jean-Louis Herlédan (1831 Art Gallery), président de l’association depuis trois ans. Antiquités grecques, étrusques ou romaines, mobilier Haute Époque, sculptures polychromes de la Renaissance, arts décoratifs du XVIIIe siècle, porcelaines chinoises ou de Sèvres, sculptures, photographies, tableaux anciens et modernes, design ou céramiques contemporaines… l’offre est variée. Placée sous le signe de l’ailleurs, cette édition invite à un périple à travers l’espace et le temps, réel ou onirique (le médaillon en biscuit illustrant L’Envol des amours, d’après Thorvaldsen, présenté à la galerie Golovanoff ; Le Char d’Apollon traversant le ciel par Charles Le Brun, chez Jacques Leegenhoek).
Une thématique fédératrice
«Le thème de cette année est idéal pour nous, car il couvre toutes nos spécialités», se réjouit Éric Delalande. Ce passionné d’objets de marine et de curiosités a réuni un ensemble de pipes à opium et un globe de poche anglais du début du XIXe siècle, contenant un globe terrestre en bois évidé, avec la représentation de la voûte céleste à l’intérieur de son écrin en carton gaufré. «Nous faisons très peu de foires, à l’exception de la Tefaf de Maastricht. Le Carré Rive Gauche nous permet de recevoir la clientèle dans les meilleures conditions. Il y a la soirée de vernissage, mais aussi le week-end qui suit. Les collectionneurs peuvent prendre leur temps, arpenter tranquillement les rues et les galeries du quartier.» Parmi d’autres merveilles à découvrir, Gabrielle Laroche présente un cabinet à décor hispanique de nacre sur fond d’écaille rouge (du XVIIe siècle) et Jérôme Pla une paire de fauteuils indiens en acier, damasquinés d’or (de 1830). Vincent Lécuyer a choisi de dévoiler des œuvres d’artistes étrangers méconnus, dont celles du peintre péruvien Alejandro González Trujillo, dit Apu-Rimak. Spécialiste de la photographie, Gérard Lévy rassemble une vingtaine de clichés réalisés entre 1845 et 1890 à Venise, à Jérusalem, en Égypte… par Auguste Salzmann, Carlo Ponti ou Maxime Du Camp. La galerie Gilgamesh privilégie la rareté, avec des pièces chinoises. «J’ai retenu quatre petits anneaux complexes en bronze, qui devaient servir comme passants de harnais pour des chevaux ou des chameaux. Ils sont ornés de grotesques, aux yeux ronds et globuleux, aux nez busqués. De telles représentations se retrouvent parfois sur les figurines funéraires en terre cuite d’époque Tang», explique Daniel Lebeurrier. Quant à Vincent L’Herrou, directeur de la galerie Théorème, il propose une verseuse en porcelaine de Chine du XVIIIe siècle et une Allégorie de l’Asie figurant une femme assise sur un chameau, près d’un palmier (porcelaine allemande, vers 1745).
Animations et démonstrations
Plus près de nous, dans les domaines des arts décoratifs et du design, Jacques Lafon et Michael Vosseler ont sélectionné un masque en céramique de Colette Gueden de 1940, réinterprétation moderne des masques africains et asiatiques anciens. Amateurs d’art contemporain, rendez-vous chez 1831 Gallery, pour l’accrochage collectif «Time Lapse. Voyages temporels et émotionnels», construit autour des œuvres de Keiko Gonzalez, Aude Herlédan et Eleanor Lakelin (jusqu’au 25 juillet). «Le Carré Rive Gauche permet de mettre en valeur les spécificités de chaque marchand», souligne Christian Béalu (galerie JM Béalu & Fils), qui montre un ensemble de porcelaines de la Compagnie des Indes, en hommage aux grands aventuriers du XVIIIe siècle. «Aujourd’hui, il faut de l’événementiel. Le temps où les curieux entraient spontanément dans nos galeries est révolu. Les temps ont changé, Internet est passé par là. Ce type de manifestation permet de montrer que l’on existe.» Le soir du vernissage, le 6 juin, des animations sont prévues dans les galeries comme dans l’espace public. Les Ateliers Saint-Jacques (créés par la fondation de Coubertin) proposeront des démonstrations de taille de pierre, de menuiserie et de ferronnerie d’art, et les champagne Bruno Paillard ouvriront un bar éphémère. Enfin, l’illustre hôtel Lutetia inaugurera la suite Carré Rive Gauche, ornée de pièces de mobilier et d’objets d’art issus de différentes galeries du quartier.