Camille Claudel en Méduse

Seuls six exemplaires sont connus de ce bronze de Camille Claudel, Persée et la Gorgone. Ce dernier est lui-même une réduction aux trois quarts du grand marbre présenté au Salon de 1902, et dont le plâtre fut présenté à celui de la Société nationale des beaux-arts en 1898. Seules quelques modifications dans le visage de la Gorgone et dans la coiffure de Persée peuvent différencier les deux œuvres. Depuis sa séparation d’avec Auguste Rodin, en 1898, Camille Claudel essaie de rompre également artistiquement avec les créations de son maître et amant. S’écartant de l’expressionnisme des premières heures, elle se tourne vers des scènes prises sur le vif ou des sujets classiques tirés de l’Antiquité. Jusqu’en 1913, date de son internement, elle crée des sculptures d’une grande qualité qui provoqueront l’émotion du public, mais aussi de la critique. Ainsi, dans son atelier du 19, quai Bourbon, elle reçoit la visite et le soutien d’Octave Mirbeau ou de Louis Vauxcelles, mais aussi de fondeurs comme Eugène Blot, qui acheta à l’artiste les droits d’édition d’un grand nombre de ses œuvres, à l’image de Persée et la Gorgone. La sculptrice a choisi dans cette composition de représenter le moment dramatique où Persée, fils de Zeus et de Danaé, vient de trancher la tête de Méduse. Cette dernière est l’une des trois gorgones de la mythologie grecque, ces créatures ailées au corps de femme et à la chevelure de serpents. Ses yeux ont le pouvoir de pétrifier les mortels qui croiseraient son regard. Polydecte, le roi de l’île de Sérifos, demande à Persée de tuer ce monstre qui terrorise les habitants de la région. Grâce aux armes magiques d’Hermès et d’Athéna, il réussit à décapiter la bête. Dans notre épreuve, Persée tient la tête dans la main gauche et dans la droite son bouclier, qui lui permet d’éviter le regard direct de Méduse. D’aucuns, dont son frère Paul, pensent que Camille Claudel s’est représentée dans les traits de celle-ci afin d’exprimer ses remords et ses doutes, dans sa vie comme dans son travail.