Ces deux superbes dragons conçus en miroir , s’affrontent, dressés sur leurs deux pattes aux cinq griffes impériales, sur un tertre cerclé de godrons et à la base circulaire ornée de vagues agitées. Avec leurs couleurs vives et leur impressionnante posture, les yeux écarquillés, la gueule ouverte et les ailes déployées, ils sont le fruit d’une longue tradition artistique, celle des bronzes cloisonnés. On sait la fidélité et le respect que vouent les Chinois à leur culture et à leurs arts, recopiant et améliorant sans cesse les techniques ancestrales. Celle des émaux cloisonnés, appelés jingtailan, aurait été introduite en Chine au XIVe siècle, depuis le Moyen-Orient. Elle consiste à poser des cloisons sur une âme de bronze à l’aide de colle végétale, puis à emplir les alvéoles ainsi formés avec de la poudre d’émail, une pâte siliceuse colorée par des oxydes de métaux. La pièce est ensuite cuite et polie, tandis que les éléments métalliques sont dorés. Les Ming ont porté ce procédé à son apogée, utilisant notamment des bleus tirés du lapis-lazuli, mais les artisans continuèrent à le développer sous les Qing. Si les bronzes cloisonnés se sont popularisés au fil des siècles, ces pièces demeurent dignes des plus beaux cadeaux impériaux. Ainsi, les toutes premières réalisations furent des commandes de l’empereur pour le culte tibétain, et une paire de dragons identique à celle-ci fut offerte par l’ambassadeur de Chine au tsar Nicolas II, lors de la visite de ce dernier en 1902. Elle est aujourd’hui conservée dans les chambres historiques du musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg.