Il entendait représenter le génie romantique. Ainsi pourrait-on résumer l’indomptable volonté de Louis Boulanger (1806-1867), injustement réduit au statut d’illustrateur. La rétrospective (une première depuis 1970) que lui consacre à Paris Olivia Voisin, directrice des musées d’Orléans, propose non seulement une plongée aux sources du romantisme, parmi ses plus fervents initiateurs, mais célèbre surtout la virtuosité d’un peintre, marqué par Rubens et Goya, capable de traduire plastiquement l’univers hugolien, d’en incarner poétiquement les inspirations et aspirations. Dans l’étroit escalier de la maison du poète, une galerie de maquettes de costumes évoquant les héros de Notre-Dame de Paris fait office de préambule à un parcours chronologique qui retrace les années de formation de l’artiste, dans l’atelier de Guillaume Guillon-Lethière, et révèle une brillante carrière nourrie de ses complicités avec l’intelligentsia parisienne. Des frères Devéria à Gérard de Nerval, d’Auguste Maquet et Alexandre Dumas à Honoré de Balzac, peintres, littérateurs et poètes amis sont porteurs d’une vision nouvelle de l’art et de la littérature que Boulanger traduit de toiles en aquarelles, de dessins en lithographies. Quelque 180 œuvres, portraits d’amis et familiers – dont une touchante Léopoldine à 4 ans, ou la vibrante Adèle à la cerise –, scènes oniriques de teneur historique – tels le serein François Ier en négligé ou l’apocalyptique Saint Barthélemy – ravivent la peinture d’histoire opérant, grâce au théâtre, un croisement des arts. Ses allégoriques Fantômes tirés des Orientales, sa vision de la Folie du roi Lear ou de Claude Frollo et la Esmeralda campent l’étrange et l’effroi qu’engendrent les passions. De même, ses monumentaux décors civils et religieux, à l’instar du carton préparatoire inspiré de Pétrarque, font tout autant référence à l’histoire, au récit et aux Écritures. Peintre des mots, Boulanger leur donne couleur, costume et vie. Un credo que Delacroix reprendra à son compte.