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Bonnard, la peinture en liberté

Publié le , par Anne Foster

L’artiste était sensible aux moindres nuances. Ne désirait-il pas «arriver devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillon» ? Son œuvre cherche à rendre le moment présent dans toute sa splendeur.

Pierre Bonnard (1867-1947), Vase de fleurs, vers 1914-1915, huile sur toile, 74 x 55 cm.... Bonnard, la peinture en liberté
Pierre Bonnard (1867-1947), Vase de fleurs, vers 1914-1915, huile sur toile, 74 x 55 cm.
Estimation : 1/1,4 M€

Un feu d’artifice de fleurs colorées s’échappe d’un vase blanc à décor de cerises. Elles répondent aux coquelicots présents dans le bouquet, en pétales sur la nappe. Une harmonie de rouge qui électrise toute la toile. Des masses de larges feuilles vertes semblent déstabiliser cet humble assemblage de fleurs des champs. Cela n’est qu’une impression fugitive, comme très souvent chez Bonnard : des tiges fleuries s’élancent à gauche de la composition. Sa peinture est libre, comme dissoute dans l’atmosphère, surgissant par la seule magie de l’artiste. Le peintre dévoile peu à peu les objets périphériques, les indications de lieu ou du temps qu’il fait, celui qu’il a inscrit dans ses fameux petits cahiers au jour le jour. Comme il l’écrit à Matisse, «dans mes promenades du matin, je m’amuse à définir les différentes conceptions de paysages, paysage “espace”, paysage intime, paysage décoratif», et note dans son agenda le 8 février 1940 : «Paysage à espaces, avec fonds intéressants Paysage intime avec objets expressifs paysage, effet de lumière prédominant.» La dimension du support doit s’adapter à son humeur du moment : «Je travaille toujours sur une toile libre, d’un format plus grand que la surface choisie pour peindre, ainsi je puis modifier», confie-t-il. On peut supposer que ce bouquet a été observé dans un cadre précis, ce qui n’est pas toujours le cas : il est tellement imprégné des moindres détails de son univers, des lieux, des paysages ou des intérieurs qu’il peut les susciter des années plus tard. Réalisée vers 1914-1915, il est difficile se situer cette peinture. Est-ce à la Roulotte, la maison acquise en 1912 près de Vernon, ou dans le Midi, découvert en 1904 lors d’un séjour à Saint-Tropez chez Vuillard et Ker-Xavier Roussel ? «J’ai eu un coup des Mille et une nuits. La mer, les murs, jaunes, les reflets aussi colorés que les lumières», écrira-t-il à sa mère. Chaque année, il se rend quelques mois sur la Côte, où, avec Marthe son épouse, il retrouve ses amis Henri Manguin et Paul Signac, et va rendre visite à Renoir à Cagnes, tout comme il allait en voisin à Giverny discuter avec Monet. Bonnard n’a pas la foi en lui-même d’un Matisse ou d’un Picasso. Il traverse de grandes périodes de doute, même de dépression. Il continue cependant, pour ses paysages et ses natures mortes, à travailler sur plusieurs tableaux à la fois, entreprenant des versions d’un même sujet, toujours dans un esprit de confrontation. «Je ne suis d’aucune école. Je cherche seulement à faire quelque chose de personnel», affirmait-il. Un peintre en liberté.

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