Désormais, en matière de lutte contre le blanchiment, rejoignant les marchands d’art et d’objets précieux, les commissaires-priseurs sont placés sous la surveillance du service des douanes, et non plus de leur propre Conseil des ventes. En cas de défaillance, ils seront passibles de la Commission nationale des sanctions, instaurée en 2009 pour réprimer les manquements des agences immobilières ou des opérateurs de jeux. C’est l’un des effets d’une ordonnance signée le 12 février, qui vise à mettre en application la cinquième directive européenne de 2018. Le calendrier est serré, car la France est sur le point de faire l’objet d’une évaluation du groupe d’action international mis en place par le G7 – le GAFI –, qui pourrait bien prendre pour cible le marché de l’art. Les sanctions en cas de faute sont également aggravées, pouvant aller jusqu’à cinq ans d’interdiction d’exercer et des amendes de 5 M€, voire le double dans certains cas, et très loin des punitions habituellement prononcées par la Commission ad hoc, qui se limitent généralement à quelques milliers d’euros d’amende et quelques mois de suspension. En revanche, une concession est faite aux professionnels, notamment des Puces, en considérant que, en dessous de 10 000 € de transaction, ils peuvent se passer de l’identification du client.
Respect de l’anonymat
Cette évolution fait suite au rapport de Tracfin qui se plaignait de la faible efficacité du Conseil des ventes, dont il contestait «le positionnement ambigu». En d’autres termes, le Conseil était soupçonné de protéger avant tout ses ouailles, reproche récusé par sa présidente d’alors, Catherine Chadelat (Voir l'article Du rififi autour de Tracfin de la Gazette 2019, n° 29, page 40). Son successeur, lui, fait son deuil de cette mission sans douleur. Henri Paul n’a aucun regret d’abandonner une fonction que «le Conseil n’avait de toute manière pas les moyens d’exercer de manière efficace» et qui les plaçait, lui et la profession, dans «une situation de fragilité», dont il valait mieux sortir à la veille de l’examen du GAFI. Il trouve «très positif que le marché de l’art dans son ensemble relève désormais de la même compétence». Ce changement correspond aussi à la nouvelle impulsion qu’il a défendue dans ces colonnes (Voir l'article Henri Paul entend accompagner la réforme de la Gazette 2019, n° 44, page 10) d’un Conseil «qui privilégie l’accompagnement plutôt que le rôle disciplinaire». Dans son rapport, Tracfin se plaignait du recul des alertes venues des commissaires-priseurs, passées de 67 en 2017 à 40 en 2018. La valeur des infractions rapportées a cependant été portée de 4,6 M€ à 56 M€, en raison d’un cas d’une cinquantaine de millions. Sur un total de 76 000 signalements, le commerce de l’art dans son ensemble reste bien marginal puisqu’il en compte moins de 200, la plupart émanant de banques et d’organismes financiers. Président du Symev, le Syndicat des maisons de ventes, Jean-Pierre Osenat n’en souligne pas moins leur mobilisation. En cinq ans, 242 alertes proviennent ainsi des commissaires-priseurs, contre deux seulement des antiquaires ou galeristes. D’autre part, les professionnels se plaignent du non-respect de l’anonymat des dénonciations, faisant observer que Tracfin livre dans sa communication des exemples tellement parlants que la source de l’information est facilement identifiable. L’organisme n’a jamais voulu s’en expliquer. Mais les commissaires-priseurs doivent bien se résigner à quitter progressivement le statut particulier auquel ils s’étaient accoutumés. En ce même moment, la Chambre des députés est saisie d’une proposition de refonte du Conseil des ventes, prévoyant de transférer sa compétence disciplinaire au tribunal de grande instance de Paris.