Bastet, en direct de Bénarès

La plupart des peintres français du tournant du XXe siècle ont cantonné leur orientalisme aux rivages de la Méditerranée, laissant aux artistes britanniques le soin de décrire l’exotisme de l’Inde. Certains, comme Tancrède Bastet, se sont néanmoins rendus dans ce pays que les auteurs contemporains rêvent avec romantisme. Ainsi, dans la Reine des éléphants publié en 1906, Gustave Le Rouge décrit Bénarès comme une ville aux palais étincelants dignes des Mille et Une Nuits, où «l’air est tiède, comme sucré d’une odeur de miel»… mais dont l’atmosphère est alourdie par les fumées des bûchers d’incinération, tandis que le fleuve charrie des formes inavouables attirant les vautours. Grâce au ministère des Colonies, qui l’a envoyé au Moyen-Orient puis en Inde au début du siècle, Bastet a pu juger de la réalité, tout autre, dont il témoigne dans cette toile. Le musée de Grenoble, qui conserve dix tableaux du peintre né en Isère, compte parmi eux une œuvre de 1904 également fidèle à son sujet : Le Charmeur de serpents à Bénarès. Un tableau peint vingt et un ans plus tôt, L’Atelier Cabanel à l’École des beaux-arts, évoque quant à lui les années d’apprentissage de l’artiste. Intéressé par toutes les techniques, curieux de tous les sujets, il laisse aussi des portraits, pour lesquels il fut très apprécié, et des paysages de sa région. Une fois revenu en France, il prit la direction de l’École des arts industriels de Grenoble.