La double influence de la peinture vénitienne et bolonaise fait le charme de cette huile d'Antonio Gionima, précédemment donnée au peintre baroque Ercole Graziani le Jeune.
La reine Cléopâtre s’apprête à faire fondre dans du vinaigre une lourde perle sans prix, afin d’affirmer aux yeux de Marc-Antoine et du triumvirat que son festin, organisé en leur honneur, est le plus coûteux de l’histoire. Un épisode de la vie de la souveraine, consigné par Pline l’Ancien et Plutarque, duquel naîtra une histoire d’amour mythique. Souvent prétexte à illustrer de grandioses banquets à multiples personnages vêtus d’habits contemporains – comme chez Jordaens et Tiepolo – , il prend ici des airs de scène de séduction en huis clos. Dans cette œuvre issue d’un maigre corpus – l’auteur est mort à 35 ans de la tuberculose – Antonio Gionima laisse trahir l’influence des deux régions qui l’ont forgé : Venise, où il naît en 1697 d’une famille padouane, et Bologne, où il s’installe très tôt et exerce pour les églises, confraternités et grandes familles de la ville. Le patrimoine vénitien survit dans la touche fluide et rapide, et dans le contraste entre de puissants blancs et des tons sombres, à la manière tintoresque, tandis que l’héritage bolonais transparaît dans le cadrage à mi-corps et le clair-obscur accentué. Si nulle trace écrite de ce tableau n’a subsisté, on en retrouve la composition dans un dessin préparatoire, acquis en 1975 en ventes publiques par l’Ashmolean Museum d’Oxford. Cela a permis de rendre ce Banquet de Marc-Antoine et Cléopâtre, alors conservé dans une collection privée new-yorkaise sous le nom d’Ercole Graziani le Jeune, à ce maître à la carrière brève, mais saluée dès son vivant.