Un vase illustrant la quintessence de la céramique chinoise éblouira prochainement une vente sarthoise. Délicat et raffiné.
Chine, époque Yongzheng (1723-1735). Vase en porcelaine à glaçure de type «guan», marque à six caractères au cachet de l’empereur Yongzheng à la base, h. 24,5 cm.
Dimanche 16 novembre 2014, Cherré. Balsan Enchères SVV. M. Delalande.
Adjugé 440 200 € frais compris
En travaillant l’argile, les potiers chinois ont vite eu deux ambitions : pallier la porosité de la terre et obtenir la dureté par une cuisson à haute température. Un processus riche d’innovations techniques et stylistiques aboutira à la création de la porcelaine sous la dynastie des Tang, qui développèrent aussi des relations commerciales avec la Perse. L’élégance des pièces, libérées du répertoire ornemental de la vaisselle rituelle, s’allie alors à la discrétion d’un décor incisé ou estampé, plus rarement peint. Atteignant un apogée sous les Song, les productions destinées à la cour impériales reflètent tout le raffinement de l’esthétique chinoise. Profitant de l’essor du commerce extérieur, de merveilleuses porcelaines sont alors envoyées en Occident. Elles reçoivent en France le nom de «céladon», emprunté au héros de L’Astrée, roman précieux d’Honoré d’Urfé dans lequel il apparait revêtu d’un habit gris-vert. L’atmosphère réductrice de la cuisson favorise la profondeur des teintes, qui vont du bleu au vert, mais jamais ne se bornent à une couleur bien franche. La palette subtile des pièces, leur couverte onctueuse aux nuances indéfinissables d’opale et de vert poudré – la «couleur secrète» –, les font considérer comme de véritables trésors, que l’on paye à prix d’or. Provenant d’un château du Sud-Ouest, notre vase de type «guan» arbore une belle tonalité vert d’eau. Proposé en bon état, il est resté dans la même famille depuis le début du XXe siècle. Présentant un corps cubique, surmonté d’un long col tubulaire, il porte au revers de la base la marque à six caractères de l’empereur de la dynastie Qing Yongzheng (1678-1735), successeur de Kangxi. Homme d’une intelligence profonde et travailleur acharné, Yongzheng sut établir la paix, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’empire du Milieu. Ce grand amateur d’art, à l’instar de son père, s’intéresse aux sciences et aux techniques venues d’Occident. Son règne est d’ailleurs contemporain des débuts de la porcelaine en France. À cette époque, la perfection des pâtes et la maîtrise de la couleur des créations sorties des fours impériaux en font des pièces de choix ; elles sont d’ailleurs souvent offertes aux officiers de haut rang. Leur beauté réside dans l’accomplissement technique, dans la délicatesse des textures et des glaçures. Notre modèle s’anime aux anses de deux têtes de dragons moulées, emblèmes éminemment impériaux. Selon l’expert Philippe Delalande, sa forme complexe, très appréciée de l’empereur Yongzheng, fait référence aux vases en métal du Moyen Orient, qui ont inspiré les Ming. Les lignes sobres et épurées évoquent encore l’aspect lisse et onctueux du jade, pierre sacrée par excellence. Inédit sur le marché, l’objet cristallise plusieurs atouts : un pedigree de choix, la marque d’un règne prestigieux, une technique parfaite et un monochrome réussi dans ses effets décoratifs. Au coeur de la culture chinoise, il ne peut qu’enflammer les collectionneurs. Brillantissime...