Ce premier grand rendez-vous annoncé de la saison à Drouot tenait ses promesses et s’achevait sur un produit total de 1 430 508 €.
Le résultat de cette vente, qui constituait l’«Événement» de la Gazette no 6 du 14 février (page 12), était emmené par les courbes voluptueuses d’une Baigneuse assise de Renoir admirées à 492 120 € (voir page de gauche) et par trois huiles sur toile d’Eugène Boudin (1824-1898), qui atténuaient la déception pour la Cour de ferme à Melleraye de Camille Pissarro. Ces œuvres de Boudin sont tout à fait caractéristiques des recherches de ce grand maître des ciels changeants. Toutes trois étaient d’ailleurs reconnues à leur juste valeur : 183 576 € revenaient à Berck, le chargement du poisson (reproduite ci-dessous), 177 246 € récompensant aussi bien la Scène de plage (18 x 32,5 cm) que Le Passage, embouchure de la rivière de Landerneau (Finistère) (voir Gazette ci-dessus mentionnée, page 17). Qu’il pose son chevalet aux embouchures des rivières bretonnes, sur les grèves de la mer du Nord ou le long des plages normandes, partout la même quête de lumière le guide. Il y a dans les peintures de Boudin un supplément atmosphérique qui les rend immédiatement identifiables et très désirables ! Charles Baudelaire est le premier à l’évoquer en 1859, en parlant de «plusieurs centaines d’études au pastel improvisées en face de la mer et du ciel», qualifiées déjà de «prodigieuses magies de l’air et de l’eau». Qu’il s’agisse d’essais sur le motif, sortes d’instantanés, ou d’huiles plus abouties et précises, à l’image de celles-ci, le bonheur de peindre les variations lumineuses reste chez Boudin le même. La propriétaire de ces œuvres, dont la succession était dispersée, devait avoir aussi bien du plaisir à les regarder. Tout comme elle tenait à ses pièces d’orfèvrerie, ses montres anciennes et sa collection de faïences de Moustiers. Parmi cette dernière, un objet avait retenu l’attention et illustrait la page 16 de la Gazette du 14 février. Présentée par l’expert comme une gourde en forme de livre relié avec son décor polychrome de deux cœurs enflammés, cette céramique de l’atelier de Féraud délivrait ses secrets le jour de la Saint-Valentin. Il s’agit en fait d’une bouillotte à main, ce que l’amateur éclairé qui l’a acquise à 5 064 € – peut-être un reserbullirophile – ne devait pas manquer de savoir !