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À Tours, le Centre de création contemporaine fait peau neuve

Publié le , par Christophe Dorny

Un nouveau bâtiment de 4 500 m2 accompagne le déploiement des missions d’un des plus respectés centres d’art contemporain de France avec, en toile de fond, la promotion de l’œuvre d’Olivier Debré. Un lieu destiné à devenir emblématique.

Vue des deux corps de bâtiment, à gauche la nef de l’ancienne école des beaux-arts,... À Tours, le Centre de création contemporaine fait peau neuve
Vue des deux corps de bâtiment, à gauche la nef de l’ancienne école des beaux-arts, à droite le nouvel édifice du CCc oD.
© B. Fougeirol - CCC OD, Tours

Le quatrième projet de transformation du Centre de création contemporaine (CCC) de Tours est le bon. Plus de dix ans auront été nécessaires pour le mettre en œuvre, avec pour objectif de hisser la structure à un niveau national et européen. Sa légitimité, le centre d’art tourangeau l’a acquise progressivement depuis sa création, en 1985 ; n’est-il pas le défricheur de la scène artistique émergente, l’organisateur, aussi, d’expositions monographiques remarquées, telles celles de Panamarenko, Per Kirkeby, Kader Attia et Daniel Buren ? Inauguré en mars dernier par le président François Hollande et la reine de Norvège, le nouveau centre peut se lire comme l’aboutissement d’une politique municipale et le pari réussi de l’agglomération de Tours, misant sur le tourisme culturel. Mais c’est aussi une histoire d’amitié. Le fondateur de l’institution, Alain Julien-Laferrière, qui en est toujours le directeur, était l’ami du peintre Olivier Debré (1920-1999), principal représentant en France d’une abstraction lyrique d’essence impressionniste. Originaire de Touraine par sa mère, l’artiste a réalisé une grande partie de son œuvre à Vernou-sur-Brenne, et plus précisément sur les bords de la Loire où il brossait ses toiles en plein air. C’est en 2002, sous la mandature de Jean Germain, l’ancien maire de Tours, que se dessine l’idée de créer un lieu dédié à Olivier Debré, et ouvert à l’art contemporain. Une fondation a été ensuite évoquée avec la crainte d’en faire éventuellement le mausolée du peintre… Bref, le projet qui voit le jour aujourd’hui est une association somme toute naturelle, mais inédite dans sa forme, entre le CCC et les ayants droit d’Olivier Debré. Par chance, les politiques ont suivi. Le désormais Centre de Création Contemporaine Olivier Debré (CCC OD) devient de fait le promoteur et le diffuseur institutionnel de l’œuvre du peintre, figure majeure de l’abstraction.
La donation Debré
Au début des années 1990, Alain Julien-Laferrière commande à Olivier Debré quatre tableaux de 4 x 9 mètres, aux mesures exactes des cimaises de l’ancien CCC, alors situé derrière la cathédrale Saint-Gatien. Ces tableaux n’ont jamais pu être montrés au public car, une fois réalisés, leurs tailles ne correspondaient pas, à quelques centimètres près, aux dimensions initialement souhaitées. Et ce fut non pas quatre mais six tableaux qu’Olivier Debré réalisa dans ce format monumental. Les œuvres furent remisées le temps de leur trouver une destination, le peintre ayant toujours pensé qu’elles devaient revenir au CCC. Entre-temps, la Banque européenne d’investissement fit l’acquisition d’un des tableaux. Ce sont donc cinq œuvres majeures qui entrent par donation au centre d’art et que le CCC OD prévoit de montrer ensemble en 2019. La donation comprend également cent cinquante dessins et un prêt sur vingt ans de cent quarante tableaux. En retour, le centre aura pour mission de donner une visibilité nouvelle à une œuvre, selon Alain Julien-Laferrière, sous-estimée en France comme à l’étranger. Un travail de fond doit être accompli afin de «repositionner Olivier Debré sur la scène internationale». Mais, martèle-t-il, le centre d’art «ne devient pas un musée, il n’y aura pas de salle Debré».

 

Vue de l’exposition «Olivier Debré, un voyage en Norvège».
Vue de l’exposition «Olivier Debré, un voyage en Norvège». © François Tomasi, CCC OD, 2017

Un voyage en Norvège
Servant son propos, la grande exposition inaugurale montre le travail mal connu du peintre, issu de ses multiples séjours en Norvège où il peignait sur le motif. Très apprécié là-bas, ses collectionneurs y sont nombreux et la reine de Norvège a même prêté des toiles de sa collection personnelle. «Cette exposition a l’immense vanité d’essayer de montrer l’œuvre d’Olivier Debré de façon contemporaine, plus que cela n’a été fait jusqu’à maintenant.» Quarante et un tableaux, dont l’un des cinq grands formats de la donation, semblent flotter dans la Salle blanche de 700 m2 du premier étage, imaginée par les frères Manuel et Francisco Aires Mateus, architectes du nouveau bâtiment et dont l’agence, située à Lisbonne, a remporté à l’unanimité le concours pour le projet, fin 2012.
Le minimalisme sophistiqué des frères Aires Mateus
Cette étonnante salle a effacé les quatre angles du «white cube», l’espace sacré d’exposition, en les ouvrant chacun de manière différente pour ménager sur les côtés des couloirs d’exposition. La surface ainsi architecturée semble directement renvoyer à la facture même des toiles d’Olivier Debré, qui souvent accumule de la matière près des bords pour en prolonger l’espace. Les architectes mêlent subtilement pleins et vides, et l’extérieur du nouveau bâtiment a été conçu comme un cube ; la base, constituée d’une ceinture transparente, permet aux visiteurs d’apercevoir les installations de l’extérieur. Le monolithe qui abrite les salles d’expositions  dont la Salle noire du rez-de-chaussée, dédiée aux expositions d’art actuel  est relié par un corps de verre à un ancien édifice réhabilité. Cette «nef», de style art déco, édifiée par l’architecte Pierre Patout dans les années 1950, est le seul élément préservé de l’ancienne école des beaux-arts. Avec ses 11 mètres de hauteur, elle offre un lieu d’exposition visible aussi de l’extérieur. La couleur blanche des deux corps de bâtiment et l’utilisation de la pierre régionale de Tercé entrent en résonance avec le bâti ligérien. Précisons que le centre d’art et les espaces publics qui l’entourent, dont le coût s’est élevé à 16 millions d’euros, une somme raisonnable pour un tel projet, font partie d’un vaste plan de rénovation urbaine de l’entrée nord de Tours. En revanche, l’édification prévue d’un hôtel de sept étages, situé non loin de la nef du centre d’art, suscite quelques réserves. Avec 2 000 m2 de surface d’exposition, un budget de fonctionnement de 1,2 million d’euros  mécéné à hauteur de 10 % , une équipe qui a doublé  13 permanents , les expositions désormais payantes, le centre entame une nouvelle phase de son existence.

 

Per Barclay devant sa Chambre d’huile, 2017.
Per Barclay devant sa Chambre d’huile, 2017.© François. Tomasi, CCC OD, Tours

Exposer les jeunes artistes
Ces nouveaux moyens favoriseront, selon Alain Julien-Laferrière, «un rythme d’expositions accru, une plus grande visibilité par la situation géographique en plein cœur de Tours et la fréquence des expositions». Le nombre attendu de visiteurs, estimé à 100 000 selon une étude, «ne changera rien aux missions du CCC OD» car, ajoute le directeur, «exposer les jeunes artistes est dans l’ADN du CCC OD». Ce qui se vérifie avec l’exposition collective «Innland», qui explore les aspects de la jeune scène norvégienne. Parmi les compétences spécialisées du centre, l’Agence d’artistes accompagne depuis 1997 des projets en prenant en charge la production de certaines œuvres. Comme la fameuse Chambre d’huile du Norvégien Per Barclay, impressionnante et vertigineuse, actuellement visible dans la nef. L’agence peut aussi être sollicitée en tant que conseil pour les politiques artistiques auprès des collectivités locales. Ouvert sur l’extérieur, désormais doté d’une librairie et d’un département de recherche, le centre d’art accueille les étudiants et songe à renforcer sa coopération avec l’école des beaux-arts de Tours. En croisant l’histoire de la politique culturelle de la municipalité avec les missions du nouveau centre d’art et ses déjà 2 300 Pass vendus, donnant accès à l’ensemble de la programmation, la ville de Tours possède enfin, d’une certaine manière, sa maison de la culture du XXIe siècle. Une institution que Jean Royer, le maire bâtisseur de la ville, avait toujours refusée au profit d’initiatives culturelles disséminées au sein des différents quartiers tourangeaux.

À SAVOIR
«Olivier Debré. Un voyage en Norvège»
Jusqu’au 17 septembre 2017.

«Chambre d’huile - Per Barklay»
Jusqu’au 3 septembre 2017.

«Innland»
Jusqu’au 11 juin 2017.
CCC OD, Jardin François Ier, 37000 Tours, Tél. : 02 47 66 50 00
www.cccod.fr
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