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Arte Fiera, l’art contemporain 100 % italien

Publié le , par Pierre Naquin

Week-end chargé pour l’art actuel européen, trois foires se partageant les faveurs des collectionneurs : Brafa à Bruxelles, Artgenève et Arte Fiera Bologne. Focus sur cette édition italienne en transition.

Art City White Night. Arte Fiera, l’art contemporain 100 % italien
Art City White Night.
Courtesy Arte Fiera

L’édition 2018 d’Arte Fiera s’annonçait difficile : l’arrivée depuisquelques mois seulement d’un nouveau directeur, un programme ambitieux mais un peu «chamboule-tout», une manifestation 100 % nationale avec a priori aucun exposant non italien… Cette foire historique de la péninsule donnait  bien malgré elle  le programme d’un équilibriste sans filet. Ardu dans ces conditions d’imaginer ce nouveau format avant de franchir les portes du palais des congrès de Bologne. «Après plusieurs éditions marquées par un sentiment diffus d’incertitude quant à l’identité de la foire, voire quant à son futur, cette année signe un renouveau qui donne généralement satisfaction», remarque Patrizia Raimondi, de la galerie locale L’Ariete. La plupart des acteurs soulignent la progression de la qualité par rapport aux rendez-vous précédents. «Je pense que tout le monde a été impressionné par les changements apportés cette année ; il y a encore du travail, mais le sentiment général est positif», exprime ainsi la galeriste Norma Mangione. «C’est pour moi la meilleure édition depuis au moins trois ans», ajoute Alessandro Deponti (Artea). Filippo Percassi (Monica de Cardenas) met cela au crédit du nouveau directeur, Simone Menegoi : «Nous sommes revenus (après neuf ans, ndlr) grâce à lui et sa vice-directrice, Gloria Bartoli, que je connaissais tous deux depuis longtemps. Je savais qu’ils étaient très professionnels.» «C’est une nouvelle ère !», s’enthousiasme encore Dario Bonetta (A+B Contemporary). Le changement le plus marquant était sans doute l’obligation pour les exposants de présenter un très petit nombre d’artistes. Agréable pour les visiteurs, cette contrainte était diversement appréciée des marchands. «Il faut encore plus de solo et duo shows pour une meilleure qualité», déclare ainsi Dario Bonetta. «Il faut poursuivre dans cette direction et obliger les galeries à ne présenter qu’un seul artiste ou des projets liés à l’histoire de l’art», insiste Alessandro Deponti. D’autres, au contraire, mettent en avant leur besoin de liberté pour pouvoir décider au dernier moment de leur présentation.
Des résultats modérés
Côté ventes, ce n’était pas vraiment la panacée. Peu d’exposants sont prêts à s’exprimer sur le sujet, et ceux qui le font insistent sur les «touches» qui pourraient se concrétiser après la foire. «Nous avons rencontré pas mal d’intérêt pour Ruben Brulat, dont nous avons placé un grand format chez un collectionneur milanais important, mais aussi pour Gregory Hayes et Cristiano Tassinari», nous déclare Emanuele Norsa (NContemporary). Michael Biasi (galerie MAAB) complète : «Nous présentions deux artistes sur la foire : Marco Tirelli, un Italien important, et Vincent Beaurin, un plus jeune Français. Nous avons plutôt bien vendu le premier, et Arte Fiera était une bonne opportunité de faire découvrir le second. Nous espérons concrétiser quelques ventes dans les prochaines semaines.» «On a réussi à céder quelques œuvres de Virginia Zanetti et de la Bolognaise Giulia Dall’Olio directement sur la foire, indique pour sa part Roberto Ratti (Traffic Gallery). On fera les comptes dans quelque temps». La galerie Spazio Testoni vendait presque toute sa série d’Antonello Ghezzi composée de miroirs astrologiques montés en installation (de 2 000 à 5 000 € pour l’essentiel), celui incluant une photographie de la sonde martienne Curiosity partant à 15 000 €, quand Guidi&Schoen (Gènes) cédait les «Videoboxes» de Giacomo Costa, ainsi que quelques huiles sur toile d’Andrea Chiesi. Rossovermiglio Arte équilibrait sa participation grâce à Alberto Garutti et ses pièces entre 10 000 et 15 000 €. Filippo Percassi  enthousiaste pourtant  n’avait qu’une seule œuvre réservée le lundi soir…
Savoir se distinguer
Reste que beaucoup d’exposants sont déçus : «Les visiteurs étaient peu nombreux (50 000, selon les organisateurs, ndlr) et les ventes n’étaient pas satisfaisantes», regrette ainsi Carlo Repetto. Matteo Lampertico (Milan) poursuit : «Franchement, je suis un peu déçu. Nous avons tous constaté la baisse de la fréquentation, en particulier pour le vernissage. Nous avons réalisé quelques ventes, mais le sentiment général n’est pas bon. Arte Fiera baisse en comparaison de Miart (Milan) et d’autres foires internationales et, faute de galeries et clients étrangers (350, selon l’organisation, ndlr), devient de plus en plus locale. Avec la forte compétition de la Brafa et d’Artgenève, je ne suis pas sûr de revenir l’année prochaine.» Même son de cloche pour une autre exposante milanaise, qui a souhaité rester anonyme : «Les clients avaient des budgets plus contractés cette année et concentraient leur attention sur les petites pièces. Peut-être est-ce dû au climat politique et économique, qui n’est pas favorable.» Point positif, tous les marchands ou presque vantent le nombre de nouveaux amateurs rencontrés. «La moitié des personnes que j’ai vues se composaient de nouveaux collectionneurs», déclare ainsi Glauco Cavaciuti (Milan). Les organisateurs avaient aussi fait l’effort d’inviter (avec transport et une nuit dans un hôtel prestigieux) certains VIP des galeries. «Nos meilleurs clients ont vraiment apprécié cette opportunité», explique Paola Veronesi Testoni (Spazio Testoni). «Il faudrait étendre ce programme VIP ; montrer au monde le riche panorama artistique que peut offrir la foire, mais aussi la ville», conseille Patrizia Raimondi. Autre suggestion d’Ilaria Leoni (Ermes Ermes) : «Je pense qu’il vaudrait mieux fermer le dimanche, comme tous les autres événements, peut-être pour poursuivre la sélection «curatée» afin de développer l’intérêt du public pour l’art contemporain.» Roberto Farneti, de la galerie Marcolini, livre un bon résumé : «Bologne est important pour nous. C’est un espace et un moment de rencontre. L’impression générale est “ok”. Mais Arte Fiera tombe dans le piège de l’orthodoxie curatoriale, qui fait que toutes les foires finissent par se ressembler. Perdre ses distinctions est toujours une mauvaise chose, car je ne pense pas que les collectionneurs continueront longtemps à visiter les clones ; ils se focaliseront sur les originaux, les quelques événements en Europe qui ont réussi à devenir des marques. Et Bologne n’en fait pas partie.» Tout est dit.

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