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Art Brussels consolide ses positions

Publié le , par Alain Quemin

Pour son édition de 2017, la foire d’art contemporain de Bruxelles, qui avait bien résisté aux conséquences des attentats de l’année passée, était soumise aux incertitudes de l’élection présidentielle en France.

Françoise Pétrovitch (née en 1964), série «Étendu», 2015, lavis d’encre sur papier,... Art Brussels consolide ses positions
Françoise Pétrovitch (née en 1964), série «Étendu», 2015, lavis d’encre sur papier, 160 x 240 cm (encadrement : 176,5 x 258 cm).

En 2016, la foire de Bruxelles d’art contemporain, Art Brussels, avait bénéficié d’un formidable atout en quittant le parc des expositions, sans aucun charme et excentré, où elle se tenait les années précédentes, pour les beaux entrepôts Tour et Taxis, plus proches du centre de la ville. Malgré les attentats qui avaient frappé la capitale belge quelques jours avant la foire et qui avaient entraîné des annulations de voyages parmi les collectionneurs, la manifestation avait rencontré un succès très mérité. L’édition 2017 se présentait sous de meilleurs auspices, son nouvel espace parfaitement aménagé avec ses vastes allées et ses nombreux stands de belles dimensions, le tout baigné de lumière zénithale, constituant un véritable atout. En revanche, si, lors des dernières éditions, la foire était placée sous la houlette de la commissaire Katerina Gregos, qui avait su lui donner beaucoup de tenue, le départ de celle-ci introduisait une certaine inconnue. De plus, la tenue du premier tour des élections présidentielles françaises lors du dernier jour de la foire n’apparaissait pas très favorable, les marchés redoutant en général l’incertitude. Au vu des candidats hostiles à l’Europe ou désireux d’inclure les œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, on pouvait en particulier craindre une certaine frilosité des collectionneurs hexagonaux, lesquels représentent le premier groupe d’acheteurs étrangers à Bruxelles.
Forte présence des collectionneurs
En 2017, une fois encore, Art Brussels s’est montrée fidèle à son image de foire très sérieuse, peu portée aux excès. Ici se rencontraient, comme lors de chaque édition, davantage d’amateurs, voire de collectionneurs, que de simples curieux. Si, les matinées, le public était moins nombreux, les après-midis et le week-end se signalaient par leur affluence. Celle-ci n’entravait en rien la fluidité de la circulation dans les allées qui permettait de voir les œuvres dans d’excellentes conditions. Certes, les plus grandes galeries dominant le marché mondial, étatsuniennes, britanniques, suisses ou françaises étaient le plus souvent absentes, mais la foire accueillait un nombre conséquent de galeries d’importance. Celles-ci tenaient leur rang et les jeunes maisons n’étaient pas en reste. À l’inverse des foires les plus établies, qui se contentent souvent de reconduire inexorablement les mêmes galeries d’année en année, et où les surprises sont de ce fait davantage limitées, Art Brussels accueillait, par rapport à son édition précédente, pas moins de 36 nouvelles galeries  sur 144 participantes (contre seulement… 17 sur 291 pour le leader du marché des foires, Art Basel !) , soit un turnover très important. À l’exception de la galerie Laurentin, qui peut faire beaucoup mieux et qui ratait complètement son accrochage cette année sa présentation évoquait trop un déballage, la qualité des œuvres n’était pas en cause , on prenait plaisir à découvrir les propositions des participants. Comme toujours, l’italienne Tucci Russo se signalait par un stand très élégant, notamment avec les œuvres de Giuseppe Penone, inspirées du monde végétal. Chez l’excellente galerie bruxelloise Xavier Hufkens, éclatait une sculpture en silicone rose bonbon du déjanté Paul McCarthy, figurant John Wayne. Forsblom, installée à Helsinki et Stockholm, confirmait son rang de meilleure galerie d’Europe du Nord. Semiose présentait deux très grandes œuvres sur papier de Françoise Pétrovitch (à 18 000 € pièce) et d’autres sur toile. La championne provinciale française Sparta, installée à Chagny (5 000 habitants) depuis 1982, rivalisait aisément avec les noms des grandes métropoles. Les malicieux associés de la galerie Ceysson & Bénétière présentaient en particulier des œuvres de Jean Messagier des années 1950 et 1960 d’une incroyable liberté gestuelle, que l’on aurait pu croire créées récemment par un jeune artiste. Comme ils le soulignaient : «Art Brussels est une des rares foires qui ne dicte pas aux galeries ce qu’elles doivent montrer, on peut vraiment choisir, prendre des risques, faire cohabiter des artistes très différents.» Sur le stand de Templon ressortait un magnifique tableau de Gérard Garouste, à 110 000 €, aux couleurs étourdissantes. Si, voici encore cinq ou six ans, Art Brussels affichait beaucoup de stands assez minimalistes, dans des tons de noir, blanc et crème, l’édition 2017 renforçait la tendance plus récente en faveur d’une peinture très assumée, souvent colorée et matiériste.
Jeunes galeries et «solo shows»
Comme toujours à Art Brussels, le secteur «Discovery», dévolu à trente jeunes galeries, était particulièrement réussi. On remarquait The Hole, de New York, avec une scénographie audacieuse et les tableaux d’Eric Yahnker, mais aussi les galeries Kristin Hjellergjerde de Londres ou Nathalie Halgard de Vienne. Les époux collectionneurs Évelyne et Jacques Derret se réjouissaient : «Ici, on est dans une foire où l’on découvre toujours des choses, pas dans le modèle des grosses machines.» Les «solos shows» s’avéraient aussi de réelle qualité. On remarquait parmi les galeries françaises Omar Ba (également présenté chez les Genevois Art Bärtschi & Cie) chez Daniel Templon, Laure Prouvost chez Nathalie Obadia, Nicolas Momein chez Ceysson & Bénétière, Jean Denant dont une œuvre, reproduisant en bois la mythique chaise longue du Corbusier, était accompagnée d’un paravent ajouré par les formes utilisées pour confectionner le siège chez Anne de Villepoix, Friedrich Kunath chez la toute jeune galerie VnH. Celle-ci est certes âgée de deux ans seulement mais dispose déjà d’un espace remarquable rue Vieille-du-Temple à Paris, dans les anciens locaux d’Yvon Lambert, et elle intégrait à Bruxelles le circuit des foires d’art contemporain d’importance. Pour les galeries étrangères, citons David Altmejd chez Xavier Hufkens, Ann Veronica Janssens chez Axel Vervoordt, ou Benoît Maire chez Meessen de Clercq. Alors que, depuis plusieurs années, la galerie Suzanne Tarasieve n’est plus acceptée à la FIAC, elle présentait un excellent stand à Art Brussels qui aurait eu toute sa place à Paris ! De très beaux tableaux et sculptures de Markus Lüpertz dont une toile était également visible chez Almine Rech répondaient au duo russe Recycle Group qui, dans quelques semaines, investira son pavillon national à Venise. En 2017, côté ventes, les débuts ont été lents et les galeries ont souvent eu du mal à placer leurs œuvres les plus chères, rencontrant davantage de succès avec celles plus accessibles financièrement. On ne saurait ignorer que même les exposants les plus importants peuvent aussi proposer des œuvres d’artistes reconnus à des prix très raisonnables. Par exemple, la galerie Lelong proposait certes une grande toile de Günther Förg à 420 000 €, mais aussi des pastels de David Nash à 4 500 € et des œuvres, également sur papier, de Pierre Alechinsky au même prix, des photographies de Jean-Baptiste Huynh à 5 500 €, ou encore un petit dessin de Barthélémy Toguo à 6 500 €. Soit autant de belles propositions à prix abordable pour commencer, ou compléter, une collection.

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