On fouille, on piste, on traque, un peu comme lorsque Philippe Favier lui-même chine aux Puces (voir Gazette du 10 janvier 2019), sa source d’approvisionnement en objets qu’il détourne et met en scène dans ses boîtes. Aujourd’hui, l’artiste a suivi un plan d’occupation ambitieux du musée de Valence et, tel un coucou (le côté prédateur en moins), il prend la place d’œuvres des collections permanentes savamment choisies : quarante-cinq salles, 4 000 m2, un nombre incalculable de pièces balayant quarante ans de carrière. Des premiers dessins aux boîtes, en passant par les peintures sous verre, les antiphonaires, les Bad Reliefs, les Signorelliennes, la Géographie à l’usage des gauchers… Lorsque la directrice du musée, Pascale Soleil, a proposé à Thierry Raspail le commissariat de cette exposition, dont le mot d’ordre est « all over », il a immédiatement pensé à Philippe Favier : « Il fallait un envahisseur à la fois discret et visible, qui n’occuperait pas l’espace n’importe comment et qui regarderait attentivement les œuvres, mais aussi dans les interstices. » On se laisse porter par l’esprit pétillant de l’artiste qui joue sur les mots et les sens cachés, à la fois avec humour et gravité, comme l’attestent ce dérouloir à carte postale aux allures de guillotine évoquant le génocide du Rwanda, ou ce tableau abordant la Palestine. Il rebondit ainsi sur les collections (archéologie, peinture religieuse, natures mortes, etc.), et plus particulièrement sur le noyau fondateur du musée : près de 120 sanguines et peintures d’Hubert Robert, qui constituent la collection la plus importante de l’artiste avec celles du musée du Louvre et du musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg. Un univers précieux et fourmillant de personnages hybrides, de squelettes facétieux, de choux-fleurs, de champs de batailles, qu’on imagine bien Philippe Favier créer sur son bureau – dupliqué en introduction de l’exposition –, tel un moine solitaire hérétique, libre penseur et jouisseur de la vie.