Ses enluminures à fond or agiteront le monde des bibliophiles : un psautier du XIIIe siècle attribué au «Maître franciscain» de Bruges s’annonce, à Louviers, comme une rareté.
Ce manuscrit enluminé a été exécuté au milieu du XIIIe siècle à Bruges… Soit quelques années seulement après la canonisation de sainte Claire, en 1255. Cette dernière est d’ailleurs représentée avec son inséparable acolyte saint François d’Assise sur l’une des cinq miniatures en pleine page de l’ouvrage, les autres illustrant l’Annonciation, la Nativité, l’Adoration des mages et la Crucifixion. Une enluminure unique dans l’iconographie médiévale, car représentant ces deux personnages réunis entourant un arbre sur lequel trois volatiles sont perchés. La composition fait référence au «sermon aux oiseaux», l’un des épisodes les plus célèbres de la vie de François, né à Assise en 1181 ou 1182, dans une riche famille de marchands drapiers, mais qui, après la guerre et une année d’emprisonnement, changea de vie pour se tourner vers Dieu. Adepte de la plus grande austérité, il prêche sa foi auprès de chaque être vivant, ne négligeant pas les animaux, comme le loup de Gubbio ou les oiseaux, près de Bevagna. C’est en 1212 que sainte Claire le rejoint. Avec la jeune femme issue de la noblesse d’Assise, qui quitta sa famille et son futur mari afin de se consacrer à sa vocation, il fonde l’ordre des Pauvres Dames les clarisses deux ans après celui des Frères mineurs les franciscains aujourd’hui.
À l’usage de Gand et des grands
Vêtus de leurs robes de bure aux plis parfaitement maîtrisés, les deux saints surgissent de cette composition à fond doré irradiant, caractéristique de l’époque gothique que l’on retrouve également sur les quelque cent quatre-vingt-dix initiales. Cette enluminure est sans nul doute la plus remarquable de ce psautier : elle est attribuée au «Maître Franciscain» en personne, son atelier l’ayant secondé sur d’autres compositions. Actif à Bruges vers 1250-1260, cet enlumineur anonyme est essentiellement connu pour des manuscrits destinés aux franciscains, dont cinq exemplaires sont conservés dans les collections de grandes bibliothèques publiques, à Cambridge, Madrid, New York, Paris et Londres… Ce psautier du XIIIe siècle encore en mains privées constitue donc une rareté à plus d’un titre. À cette époque, ces précieux ouvrages religieux étaient réservés à l’usage des grands du royaume, de la famille royale et de son proche entourage. Leur diffusion ne s’élargira que dans les siècles suivants. Pour autant, les commanditaires de ce livre demeurent inconnus, même si quelques noms notamment celui de la famille de Bueil ont pu être avancés au regard des armoiries rapportées tardivement. Néanmoins, nous savons avec certitude que ce psautier a été réalisé «à l’usage de Gand». Dans le calendrier et surtout dans les litanies, sont cités de nombreux saints locaux à l’image de deux saintes, Landrada, fondatrice de l’abbaye de Munsterbilzen et dont les reliques furent transférées en 980 à l’abbaye Saint-Bavon de Gand, mais aussi Pharaïlde, qui vécut à Bruay-sur-l’Escaut où elle fut tout d’abord enterrée avant que son corps ne soit transféré à Gand, dont elle devint la sainte patronne. Une cinquantaine de kilomètres séparent Bruges de Gand, deux villes flamandes qui connurent au XIIIe siècle une grande prospérité économique et culturelle grâce à l’industrie drapière… et à des enlumineurs de grand talent.