Gazette Drouot logo print

À la conquête de l’art américain

Publié le , par Sarah Hugounenq

«Il était une fois en Amérique. Trois siècles d’art américain», Wallraf-Richartz Museum, Obenmarspforten, Cologne, tél. +49 221 211 19, www.wallraf.museum - Jusqu’au 24 mars.

Edward Hopper (1882-1967), Girl at a Sewing Machine, vers 1921, huile sur toile (détail),... À la conquête de l’art américain
Edward Hopper (1882-1967), Girl at a Sewing Machine, vers 1921, huile sur toile (détail), musée national Thyssen-Bornemisza, Madrid.
© Artists Rights Society (ARS)

Les collections européennes souffrent d’une lacune énorme en matière d’art américain. Il fallait faire traverser l’océan à ces tableaux pour pouvoir les connaître», déclare Anita Hachmann, commissaire associée d’une exposition présentée au Wallraf-Richartz Museum de Cologne, destinée à promouvoir la diversité de l’art américain entre 1650 et 1950. À viser trois siècles d’histoire de l’art, la présentation n’échappe pas à l’adage «qui trop embrasse mal étreint». L’exercice n’est toutefois pas vain. L’amplitude de la chronologie et l’hétérogénéité des courants évoqués éveillent un sentiment de frustration fécond, qui donne envie d’en apprendre plus sur cette richesse artistique insoupçonnée. L’art ancien des Amériques sonne comme un oxymore, alors même qu’une première école picturale apparaît dès le XVIIe siècle. Signée Gustavus Hesselius ou Robert Feke, une série d’effigies des premiers colons et chefs indiens autochtones trahit la dette envers les canons européens, en particulier la tradition hollandaise. Malgré cette esthétique indistincte, l’omniprésence du portrait n’est pas anodine. L’art américain ne poursuit, dès le départ, qu’un seul but : cerner et asseoir l’identité d’un pays neuf. Dans cette quête surgissent les premières valeurs américaines de liberté, d’égalité et de démocratie incarnées dans la Déclaration d’indépendance de 1776. Les artistes les mettent en scène par des références à l’Antiquité, comme le montre l’iconique Ariane endormie sur l’île de Naxos (1809-1814) de John Vanderlyn, peinture venue de l’Académie des beaux-arts de Philadelphie. Ce premier nu de l’histoire puritaine nationale fit scandale en même temps qu’il força l’admiration par la luxuriance de son paysage.
Interactions avec l’avant-garde européenne
Il n’est alors pas étonnant de découvrir que le genre du paysage a consacré la spécificité de la peinture américaine. La représentation de la grandiloquence du Wild West, spécialité de l’Hudson River School, a participé à la construction du territoire et de son unité au moment de la guerre de Sécession, en adéquation avec les valeurs chrétiennes du paradis terrestre. Cette lecture sociale, religieuse et politique de l’art du pays se poursuit au XXe siècle. Le Gilded Age (âge d’or) transpire jusque dans les arts, attachés à montrer la réussite d’une nouvelle bourgeoisie, quand l’industrialisation et la création des villes donnent naissance à de nouveaux sujets. L’Ashcan School s’en empare à partir de 1907, où se mêlent le classicisme des portraits aristocratiques de Robert Henri et l’expressionnisme des combats de boxe de George Bellows. Très vite, la scène américaine réagit, avec plus ou moins de talent, à l’avant-garde européenne présentée lors des célèbres Armory Show, expositions d’art moderne qui se tiennent à New York à partir de 1913. Tandis que Stanton MacDonald-Wright mêle le chromatisme de Robert Delaunay à une décomposition futuriste des premiers buildings, des tableaux de jeunesse inédits d’Edward Hopper résonnent avec l’idéalisme de réalistes français comme Gustave Courbet ou Honoré Daumier. Le parcours s’achève sur l’attitude des artistes face à la montée des nationalismes et du racisme, à la misère et aux conséquences de la crise économique et sociale de 1929. Toute résonance contemporaine est fortuite.
Sarah Hugounenq

Gazette Drouot
Bienvenue, La Gazette Drouot vous offre 2 articles.
Il vous reste 1 article(s) à lire.
Je m'abonne