Ainsi s’intitule l’annonce postée par Hector Obalk invitant les artistes à un entretien d’une heure qui leur serait facturé 300 €. «Vous êtes très nombreux à solliciter mes commentaires (…) j’ai décidé de proposer un service de critique à la demande qui soit payant (300 €) et qui consiste en une conversation d’une heure avec l’artiste, dont j’aurais étudié le dossier au préalable.» Sur Facebook, elle lui a valu une cascade de commentaires. «Une très belle idée !» «Une expérience extraordinaire.», «Quelle chance !! Merci Hector pour votre temps, votre regard, vos conseils, vos suggestions.» Un autre vante «sa certitude et son discernement infaillible», contrastant avec la faillite de ceux ayant manqué Monet, Van Gogh et Picasso. Remarque de l’intéressé : «Il a raison. Les critiques se sont souvent trompés. Pas moi. » D’autres sont goguenards : «Marabout Obalk est reconnu comme étant le plus puissant des grands maîtres marabouts d’Europe. Doté d’une voyance sérieuse et objectivement subjective Marabout Obalk est spécialisé dans les rituels du retour d’affection artistique.» Personne n’a cité la charte éthique de la profession, qui défend en substance, à un journaliste, de monnayer sa qualité, ses relations et son influence. L’intéressé se défend en assurant qu’il ne livrerait que des «critiques négatives», réservées à l’artiste. Obalk est un phénomène, omniprésent à la télévision, à France Culture et au Monde, qui vante «la présence et le commentaire incarné» de «ce passionné» à la «liberté revendiquée». Il vient même de se lancer dans la BD et le one-man-show au théâtre.
Obalk, avant tout, c’est une dégaine, Colombo hâve, hirsute, la chemise sortie du jean, déambulant dans les galeries en marmonnant des insanités. «Ça, c’est de la merde», au passage d’une œuvre de maître. Le téléspectateur n’en saura pas davantage. Il voit un esprit libre qui oppose la «sensibilité» au «savoir», naviguant dans les eaux troubles de la dénonciation des experts ces «précieuses ridicules», selon Élisabeth Lévy dans Le Point. Il associe le bouton de rose que tient une sainte à la virginité, mais ce n’est pas une rose ni la sainte qu’il pensait, il s’en fiche. Sa liberté est celle du propos de comptoir. Au Monde : «La peinture existe grâce à la perspective, tout le monde sera d’accord avec moi. Le truc, c’est qu’on a, à l’intérieur d’un tableau grand comme cela, on a un truc immense, qui est petit comme cela. C’est pas des trucs qui permettent de dire : oh, il est cultivé à la télévision.» Ce qui est épatant, c’est le succès d’un discours fondé sur la banalité de descriptions iconographiques. «Regardez la lumière d’où elle vient, c’est très amusant.» Obalk redécouvre la Lune tous les jours, c’est son charme, de la collection de Sans-Souci («sans intérêt») aux jeux de miroir de Manet. Le Christ ressuscité du Caravage est nu, le torse de Michel-Ange disproportionné, Ingres peu respectueux de l’anatomie («c’est dégueulasse») ; il recompte les vertèbres de l’Odalisque, omettant de mentionner que la remarque avait été opposée à l’artiste il y a deux siècles. Le ton définitif donne du poids au lieu commun. «Chardin, c’est un grand peintre». «Il faut vraiment de la merde dans les yeux pour ne pas comprendre qu’une sculpture d’Akhenaton, c’est magnifique.» Le Monde se dit admiratif de son usage «de la technologie et des nouvelles caméras», mais les seuls procédés qu’il connaisse sont l’escabeau et le zoom invention de 1949. Obalk a raison : il est le symptôme d’une époque, pourquoi ne pas en tirer profit ? Eh, au fait, Hector, c’est gratuit.
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