À la table de la collection André-François Petit
Les peintres surréalistes y étaient à la fête et Leonora Carrington, une femme, la dominait de sa superbe provocation, une fois n’est pas coutume.

Adjugé : 698 500 €
L’Événement de la Gazette n° 41 (voir l'article André-François Petit, un fou du surréalisme ! page 12) délivrait en quelques touches précises l’itinéraire du marchand André-François Petit (1924-2005), un homme aussi discret que fou de surréalisme à qui la dispersion de la succession de son fils, Stéphane Petit, a permis de donner un puissant hommage. Ses choix opérés en conscience et toujours dans le but de défendre le mouvement ont été largement récompensés, la vente recueillant pas moins de 2 307 897 €. Une artiste féminine y a été plébiscitée. La Mexicaine d’origine anglaise Leonora Carrington (1917-2011), rarement présente sur le marché hexagonal et nulle part ailleurs avec des œuvres de 1938, ne pouvait passer inaperçue. Le Repas de lord Candlestick (reproduit ci-dessus) s’y installait à 698 500 €, signant au passage un record français (source : Artnet), et Les Chevaux de lord Candlestick (35,5 x 46 cm) y caracolaient à 254 000 €. Il s’agit de deux chefs-d’œuvre de cette peintre et romancière, enfant rebelle et indisciplinée réfugiée dans les contes fantastiques de Lewis Carroll, dont la carrière fut marquée par sa rencontre et son coup de foudre pour Max Ernst. Avec lui, elle quitte l’Angleterre pour la France et est introduite auprès des surréalistes. André Breton, séduit, inclut certains de ses textes dans ses publications. Nous sommes en 1938, une année charnière donc et celle de l’exécution de ces deux œuvres personnelles. «Lord Candlestick» est en effet le surnom qu’elle donne à son père et les chevaux, l’autre refuge de sa jeunesse… Carrington règle là, définitivement et avec une provocation superbe, ses comptes avec le milieu catholique et strict dont elle provient, celui qui lui promettait mariage et beaux enfants. Dans Le Repas de lord Candlestick, la table de salle à manger familiale est peinte à la manière d’un autel et le rituel de l’eucharistie, transormé en une démonstration de barbarie. Il peut être également vu comme le manifeste d’une femme choisissant de voler vers la liberté et de former son destin d’artiste en dévorant – surréalistiquement – les symboles de son éducation. Sans transition, d’autres hommes entraient en scène. Salvador Dalí, Victor Brauner, Hans Bellmer et Dado…




© Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dali / Adagp, Paris 2020