L’excellence sera au rendez-vous de cette quinzième édition d’une manifestation qui confirme son ouverture à l’art asiatique et sa place de salon leader pour le marché des arts premiers.
Un rendez-vous international incontournable. Le Parcours des mondes est devenu en quinze ans la grand-messe de l’art tribal, attirant comme un aimant les collectionneurs du monde entier, des États-Unis à l’Australie, en passant par la Nouvelle-Zélande et l’Europe, bien évidemment. Pour Kapil Jariwala de la galerie éponyme londonienne «Paris est devenue la place la plus importante grâce en partie à ses musées consacrés aux arts tribaux et asiatiques, mais aussi parce que les conservateurs du monde entier s’y retrouvent.» Certaines galeries y réalisent entre 50 et 75 % de leur chiffre d’affaires annuel et voient défiler en six jours plus de visiteurs que le reste de l’année. Voilà qui aura certainement convaincu les nouveaux participants, la galerie L’Ibis (Marrakech), Charles-Westley Hourdé et Lucas Ratton (Paris) ou Aboriginal Signature - Estrangin Fine Art (Bruxelles), qui rejoint celui qui était jusqu’à présent le seul défenseur de l’art aborigène du salon, le Parisien Stéphane Jacob ce dernier met l’accent sur les communautés du Kimberley et de Papunya, ensemble complété par des œuvres d’Alick Tipoti. Le succès tient à plusieurs facteurs : le format de l’événement, qui est un salon hors les murs relevant du plaisir d’une balade dans le Paris de Saint-Germain-des-Prés, supprimant l’entrée payante et laissant l’opportunité à tout un chacun d’être porté par la simple curiosité, mais aussi et surtout, le niveau d’exigence des œuvres présentées, de qualité muséale pour beaucoup. Certains exposants mettent des années à collecter en vue du Parcours des mondes, cinq ans dans le cas de la galerie Bovis (Paris) pour la centaine de petites merveilles de l’exposition originale «Beautysmall», une véritable proposition de collection en soi. La galerie Flak (Paris) est fière d’offrir un chapeau de chasseur yup’ik eskimo du milieu du XIXe siècle, orné d’amulettes en ivoire. «En dehors des musées, impossible d’en trouver», s’enflamme Julien Flak. Il est également convaincu d’attirer les amateurs éclairés avec la tête en ivoire sculpté de la civilisation Old Bering Sea (100 av. J.-C.-300 apr. J.-C.), «dont on connaît moins de dix exemplaires dans le monde !». Michael Evans (Dijon) s’est concentré sur des objets rares venant de la minuscule île de l’océan Pacifique sud, Niue, pays situé au nord-est de la Nouvelle-Zélande. Laurent Dodier, venu d’Avranches, balaye trois mille ans de civilisation précolombienne, avec comme fil conducteur la sculpture en pierre ; ne manquez pas l’œuvre aztèque (1300-1520) représentant Chicomecoatl, la déesse de l’agriculture. Bernard Dulon (Paris) offrira la «première exposition au monde consacrée à la statuaire tsogho et au rite bwiti. L’art de ces populations résidant au centre-sud du Gabon n’a pas reçu la reconnaissance accordée à celui des Fang ou des Kota. Les difficultés d’accès à cette région, montagneuse et enclavée, ont retardé la connaissance de leur culture matérielle. Pourtant, les Tsogho sont à l’origine du bwiti, un important rite initiatique garant de l’ordre social, qui a trouvé un considérable écho dans tout le pays et même hors de ses frontières». Un florilège de chefs-d’œuvre en vue !
Les arts d’Asie, le second pilier
Né en 2001, le salon, spécialisé à ses débuts dans les arts d’Afrique, d’Océanie et des Amériques, a accordé une véritable place aux arts d’Asie en 2015, ouverture qu’il conforte cette année avec une vingtaine de galeries sur les 78 sélectionnées au total. Mais rectifions d’ores et déjà le tir : lorsqu’on parle d’art tribal d’Asie, on englobe également le volet des arts de l’Himalaya, de certaines régions de l’Inde et de l’Indonésie. Ainsi, Frédéric Rond, de la galerie Asian Heritage, dévoile une stèle votive népalaise du XIVe siècle figurant la terrible Kali, «une pièce à l’ancienneté remarquable et dont la qualité de sculpture la rapproche d’un travail classique.» La nouveauté concerne précisément l’art asiatique classique : des œuvres hindous et khmères de la galerie Jacques Barrère (Paris) aux paravents japonais de Gregg Baker (Londres), en passant par les sculptures bouddhiques tibétaines de Famarte (Knokke), les netsuke raffinés de Max Rutherston (Londres) ou une somptueuse tête de bodhisattva du Gandhara (IIIe-IVe siècle) de Christophe Hioco (Paris), aux traits délicats hérités de l’art grec. Ce dernier a d’ailleurs joué un rôle moteur pour renforcer la présence des arts asiatiques, ouverture que soutient Pierre Moos, le directeur du Parcours des mondes, avec pour stratégie de «créer une véritable semaine asiatique en juin 2017 à Paris, tout comme Londres et New York ont la leur», nous apprend-il. Les résultats des ventes de juin dernier à Drouot confortent le bien-fondé de cette initiative, avec un produit total de plus de 12 M€. Mais cette volonté de mettre à l’honneur les arts d’Asie reflète également l’évolution des collections, qui se font de plus en plus éclectiques. Dans cette perspective, la galerie SL (Paris) a recréé l’appartement de «Monsieur X», un collectionneur imaginaire. Dans un intérieur design, composé de meubles et de luminaires des années 1950-1980, sont associées des peintures coloniales, des sculptures d’Afrique de l’Ouest (une statue mbala de la République démocratique du Congo) et des œuvres de Bornéo (une statue d’ancêtre tao tao)... On retrouve là le dialogue qu’instauraient déjà les collectionneurs et les artistes au début du XXe siècle, cette transversalité qui s’affirme au sein même des spécialités du parcours.
Entre enthousiasme et prudence
Alors que toutes les conditions sont réunies pour que la quinzième édition du salon soit sous le signe de l’effervescence « Les années avec la Biennale des antiquaires ont toujours été positives », souligne Pierre Moos , une seule inconnue demeure, planant comme une épée de Damoclès : les collectionneurs internationaux seront-ils bien au rendez-vous ? L’image de Paris véhiculée par les médias étrangers n’a rien de rassurant... Bruxelles a déjà grandement pâti d’une terrible communication. De quoi jouer la carte de la prudence : certains ne participeront pas à la Biennale cette année, comme la galerie Didier Claes, qui a par ailleurs une actualité importante en septembre avec l’ouverture d’un nouvel espace à Bruxelles, dans le quartier des galeries d’art contemporain. D’autres feront «galerie commune», comme Christophe Hioco, Éric Pouillot, Alexis Renard et Kapoor Galleries Inc., ce qui permet à la galerie new-yorkaise de venir à moindres frais. Quoi qu’il en soit, le point positif reste le profil des amateurs de ce secteur, érudits, curieux et continûment passionnés. Patrick Grimaud, collectionneur d’arts de l’Himalaya, le confirme : «Le Parcours est une formidable occasion de croiser de nouvelles galeries et d’avoir des surprises. Il y a deux ans, j’ai découvert un masque himalayen de Citipati (divinité protectrice) chez Olivier Larroque (Nîmes), qui est pourtant spécialisé en Afrique noire !» Comme beaucoup, il reste impatient de découvrir l’édition 2016.