Une peinture authentique, des formes simplifiées, des couleurs franches… Toutes les qualités de Louis Mathieu Verdilhan surgissent de cette Vue du port des Goudes, aux environs de Marseille.
C’est un lieu que l’artiste connaît bien. Car, s’il est né à Saint-Gilles-du-Gard, il a 2 ans quand sa famille s’installe dans la cité phocéenne, dans le quartier des Chartreux. Il y passera toute son enfance. «Va te jeter aux Goudes», dit-on dans le parler populaire local. Ce petit port, inclus aujourd’hui dans le 8e arrondissement, fut longtemps considéré comme «le bout du monde» par les Marseillais. Il se situe aux portes des calanques, et les deux bras de son anse donnent littéralement l’impression de se jeter dans la mer. Un havre de paix à l’époque de Verdilhan, et donc un paysage idéal pour ses compositions maritimes d’un style très personnel, fait de cernes noirs appuyés, de juxtapositions de plans qui donnent de la profondeur et de contrastes d’ombre et de lumière qui créent le volume. Sa palette chromatique, plutôt vive en début de carrière, à l’image de cette toile, s’assombrira au fil des années. Cette facture singulière aura des difficultés à s’imposer auprès du grand public. Mais Verdilhan appartient à cette génération de peintres marseillais audacieux et volontaires qui dans les premières années du XXe siècle désirent, à l’exemple de leurs confrères parisiens, renouveler la peinture. Ainsi, en 1905, après des années d’apprentissage dans la capitale auprès du décorateur Karbowski puis à Marseille aux côtés du peintre Maglione , l’artiste abandonne l’impressionnisme et se rapproche du fauvisme. Un choix difficile qui lui fait perdre son premier mécène, Edmond André. C’est la même année qu’il crée, avec ses amis du Sud Tournière, Bataillard, Lombard, Cabasson, Audibert ou Rouvier, le groupe du «Poteau», dont l’existence se poursuivra sous la forme d’une académie, à Allauch, regroupant des artistes tournés vers la modernité. Bien qu’issu d’un milieu très modeste et ayant quitté l’école très tôt, le peintre lisait Baudelaire, Verlaine ou Balzac, et écoutait Beethoven. Comme ce dernier jouait avec les notes, Verdilhan jouait avec les couleurs.