Parée de beauté céleste, la porcelaine «bleu et blanc» est apparue en Chine à la fin du XIIIe siècle. On retrouve ce décor profond, détaché du fond qui le magnifie, sur ce vase double gourde d’époque Jiajing.
La dynastie Yuan (1279-1368), d’origine mongole, pratique un commerce lucratif avec l’Empire perse, fort amateur de céramiques à décor bleu. Les artisans locaux reprennent à leur compte celui-ci, qui deviendra célèbre sous le nom de «bleu et blanc». L’élite ne l’appréciant que moyennement, la production est destinée à l’exportation. Le goût chinois se porte à cette époque sur les petites pièces très souvent monochromes blanches au décor moulé sous la couverte, appelées «shufu» (de commande officielle), au décor réaliste de lotus et dragons. Celles-ci étaient destinées aux temples ou à des fins rituelles. Sous les Ming (1368-1644), la situation change. L’Empereur et l’aristocratie, les lettrés et même les riches marchands apprécient ce superbe ton bleu violacé du cobalt. Dorénavant, la couleur céleste devient prépondérante aussi bien pour les porcelaines que pour les bronzes émaillés, faisant une nette apparition dans la peinture de paysages et les objets du quotidien, tels les sceaux et les robes. Pour satisfaire un tel engouement, une soixantaine de fours à Jingdezhen sont réservés à la cour. L’empereur Jiajing, onzième de cette dynastie, se tourne vers le taoïsme, et en particulier la recherche de l’élixir d’immortalité. Le décor de ce vase, avec une partie inférieure carrée pour symboliser la Terre et une sphère, ornée de dragons à cinq griffes, pour signifier le Ciel, est bien dans l’air du temps, figurant sur chacune des quatre faces deux immortels. L’identité des personnages a été fixée sous l’époque Ming, dans Le Voyage vers l’Orient, un roman de Wu Yuantai, ainsi que par un texte anonyme intitulé Les Huit Immortels traversent la mer. Ces derniers incarnent des notions taoïstes d’indifférenciation et de non-agir. Chacun est issu d’une branche de la société (femme, vieillard, noble, militaire, infirme, redresseur de torts, mendiant, lettré). Leurs aventures sont très populaires et inspirent des scènes jouées avant les représentations de l’opéra. Bleu de la mer et bleu du ciel évoquent leurs tribulations entre les terres magiques et la sphère céleste, où règne la grande déesse.