«Narrateur de la psychologie animale», c’est ainsi que la critique désigne Rembrandt Bugatti dès ses premières expositions. Le sculpteur n’a qu’une vingtaine d’années, mais il touche déjà son public. Il a réussi d’emblée à trouver son style et son langage, immédiatement compris par les admirateurs de bronzes animaliers. Ses groupes en particulier, de par l’interaction entre les sujets, traduisent à merveille les attitudes et ce que peuvent ressentir les animaux étudiés. Ces Deux antilopes apprivoisées semblent en toute confiance face à nous et se prêtent à un amical léchage. Le groupe s’étend dans l’espace, révélant encore plus fortement les lignes graciles des deux ruminants et le port altier de leur tête. D’après la fiche d’un modèle similaire, illustré en page 274 du livre de Véronique Fromanger sur Rembrandt Bugatti (éditions de l’Amateur), cette œuvre fut créée en 1905 par le sculpteur, éditée par Hébrard et fondue par Albino Palazzolo. Un bronze qui n’était connu qu’en un exemplaire par la spécialiste lors de la rédaction de son ouvrage, en 2009, avant que n’apparaissent celui-ci marqué «3» par l’artiste au stylet, directement dans la cire et un autre lors de la vente du 24 mars 2017 chez Sotheby’s Paris qui fut adjugé à 343 500 €. Ses créations étaient bien souvent éditées sur commande par Hébrard et pouvaient donc rester en un très petit nombre d’épreuves. Si ce groupe est daté de 1905, il en réalisa plusieurs autres autour du thème des antilopes, appréciant particulièrement celles-ci, comme il l’exprime dans plusieurs lettres adressées au directeur du zoo d’Anvers, qui l’autorisa en 1908 à s’occuper personnellement d’un jeune couple de cette espèce. Bugatti s’inquiète sincèrement de leur état de santé, de la qualité de leur nourriture, qu’il leur donne à la main plusieurs fois par jour. Ces antilopes du Sénégal restèrent plusieurs mois chez lui, ce qui lui permit de réaliser des modelage grandeur nature. À cette étude minutieuse s’ajoutent, dans la réussite des bronzes de Bugatti, une fonte et un travail de patine parfaitement maîtrisés par Adrien Hébrard, aidé par Albino Palazzolo, qui apporta à l’atelier la technique unique de la fonte à la cire perdue dans laquelle le moule est cassé après cuisson. Des animaux qui ont connu une attention de tous les instants !