Gino Severini, portraitiste dans le Poitou

«Cortona et Paris sont les villes auxquelles je me sens le plus lié : je suis né physiquement dans la première, intellectuellement et spirituellement dans la seconde», disait Gino Severini. L’ancien élève du peintre pointilliste Giacomo Bella arrive à Paris en 1906. Il fréquente alors les tenants des avant-gardes du moment, notamment Braque, Picasso et Apollinaire. «En 1908, chez un ami à Paris, mon père fait la connaissance du jeune Pierre Declide, originaire du Poitou», se rappelle Romana Severini, fille de l’artiste. Tout juste diplômé de son école dentaire, il invite le peintre, alors en difficulté financière, dans sa ville natale de Civray. Severini y est accueilli chaleureusement par les parents de son ami, des bourgeois très connus dans la région qui lui ouvrent les portes des grandes maisons et lui donnent ainsi accès à de nombreux clients potentiels. De 1908 à 1910, il réalise en effet de nombreux portraits –  toujours dans son style pointilliste – des familles Périvier, Pierron, Giraud et Meron notamment. Pour cette dernière, il en produit trois : ceux d’Eugène Meron, de sa femme Joséphine et de leur fils Paul, tous au pastel. Resté dans la famille jusqu’à ce jour – à la différence des deux autres, qui garnissent une collection privée –, celui d’Eugène, dans son cadre en acajou d’origine d’un style très art nouveau, décrit avec douceur et harmonie cet homme à la prestance évidente, son costume noir s’opposant aux couleurs claires du paysage en arrière-plan. Eugène Meron habitait les Maisons-Blanches, sur la commune de Limalonges, dont il fut maire de 1892 à 1896. Ce tableau sera vendu en même temps qu’une pointe-sèche, Portrait de vieille femme, numérotée 4/10 et dédicacée «À Monsieur et madame Meron, en souvenir des jours agréables passés chez eux» (350/550 €). Des œuvres qui nous font entrer dans l’intimité de Gino Severini, mais aussi pour le pastel dans sa courte production pointilliste, l’artiste devenant bientôt l’un des chefs de file du futurisme.