Répertorié sous le numéro 612 du catalogue raisonné de l’œuvre du peintre par Robaut (1885), ce dessin à la mine de plomb rappellera tout ce que la peinture orientaliste doit à ce maître romantique.
Ce dessin est en réalité une œuvre préparatoire à une aquarelle et gouache, titrée Un Coulouglis et un Arabe, de dimensions similaires, et offerte par Delacroix en personne au comte Charles de Mornay puis passée par la collection du comte et de la comtesse Mailly-Chalons, avant de reparaître sur le marché. Cette composition montrant deux personnages fumant la pipe et discutant, dont un Coulouglis – homme issu d’un mariage entre un janissaire turc et une femme maghrébine –, a visiblement été appréciée par le peintre, qui la reprit en 1834, en y ajoutant un troisième protagoniste, dans une petite peinture qui apparut notamment dans la vente de la collection Jacob de Vos sous le titre Orientaux assis à la porte d’une maison. Cette œuvre nous rappelle ce que la peinture orientaliste doit à Eugène Delacroix, qui fut l’un des premiers peintres à partir pour l’Afrique du Nord. Son voyage de 1832 – une date charnière pour la représentation du Maroc et de l’Algérie en Occident – ouvrit de nouveaux horizons à tous les artistes qui ne voulaient pas restreindre leur travail à un Orient rêvé, connu uniquement via des ouvrages peu documentés et des récits romancés comme ceux de la guerre d’Indépendance grecque. C’est grâce à ses relations avec les milieux officiels que Delacroix, depuis Toulon, en janvier 1832, prit la direction de Tanger. Le peintre put en effet se joindre à la suite du comte de Mornay, envoyé spécial de Louis-Philippe auprès du sultan du Maroc, Moulay Abd-er-Rahman. Là, il fut séduit par les habitants, ces hommes et ces femmes hauts en couleur, aux costumes traditionnels et aux us méconnus. Il eut l’impression de pénétrer dans un monde encore authentique, à l’histoire ancestrale. Des multiples dessins réalisés dans ses petits carnets naquirent quelques-uns de ses chefs-d’œuvre, dont des scènes de la vie quotidienne marocaine ou algérienne que son style, coloré et éminemment dynamique, met particulièrement en exergue.