Conservés par descendance jusqu’à aujourd’hui dans la famille. Pas moins de 260 ouvrages témoigneront de la passion bibliophilique de quatre générations de collectionneurs. Tous seront proposés avec des estimations plus qu’incitatives, comprises entre 10 et 6 000 €.
Originaire de Soest, en Westphalie, Thierry Brölemann (1738-1800) s’installe dans la capitale des Gaules au XVIIIe siècle. Sous le règne de Louis XV, il fait fortune avec sa maison commerciale, Brölemann et Duport. Pendant trois générations, et jusqu’à la donation en 1904 d’une grande partie de la collection au palais Saint-Pierre devenu aujourd’hui musée des beaux-arts de Lyon, la bibliothèque familiale sera enrichie avec soin et réflexion. Chacun des membres de cette dynastie laisse parler ses goûts. Ainsi, Henry-Auguste Brölemann (1775-1854), l’initiateur de cette collection, réunit entre 1824 et 1854 plus de quatre mille volumes. Les manuscrits, notamment les livres d’heures 204 seront dispersés en 1926 lors d’une vente chez Sotheby’s Londres et les livres primitifs, ont sa préférence, ainsi que l’histoire des XVe et XVIe siècles, la littérature et, plus encore, la religion. Ce dernier thème est présent dans cette vente au travers de plusieurs ouvrages, dont une rare bible, Anajil Yasu’al-Masih Sayyidina al-Muqaddasah, imprimée à Rome en 1591 (1 500/2 000 €). Au fil des 368 pages et 149 gravures sur bois de cette première édition, publiée sous la direction du célèbre orientaliste Giovanni Battista Raimondi, les Évangiles sont narrés en écriture arabe. Cette bible fut le premier livre imprimé par la Tipografia Medicea orientale, créée par Gregorius XIII en 1584 et soutenue financièrement par le cardinal, et futur grand-duc de Toscane, Ferdinand Ier de Médicis. Cette édition est une rareté : elle a été employée essentiellement pour l’évangélisation du Moyen-Orient (et ne fut pas forcément bien accueillie), à la différence de sa version bilingue, qui servit de support en Europe afin d’enseigner l’arabe.
Éditions lyonnaises et Emblemata
Si le fils d’Henry-Auguste Brölemann, Thierry (1800-1896), n’a pas enrichi la collection, il l’a entretenue avec soin et a initié le processus de partage et de donation, à travers le legs de six manuscrits enluminés aux musées de Lyon. Représentant de la quatrième génération, Arthur-Auguste (1826-1904) dirige l’entreprise familiale tout en devenant commissionnaire en soieries et juge, puis directeur du tribunal de commerce. Son credo ? Les éditions lyonnaises. Il enrichit la bibliothèque de livres imprimés dans sa ville, à l’image du petit volume Icones historiarum veteris Testamenti, imprimé en 1547, illustré de 94 bois sur le thème de l’Ancien Testament par le peintre et graveur allemand Hans Holbein le Jeune (2 500/3 500 €). Posant sur les livres de la collection son ex-libris armorié, surmonté de la devise «Viligentia et prudentia», Arthur-Auguste fait également établir un catalogue des plus beaux volumes la composant par Brehghot de Lut. Parmi ceux-ci figurent d’impressionnants travaux de graveurs, à l’image des livres d’emblèmes des XVIe et XVIIe siècles, dans lesquels une gravure est mise en pendant du texte. Des ouvrages aux sujets souvent énigmatiques voire fantastiques, comme celui consacré à la danse macabre, imprimé à Leipzig en 1572 par David Denecker, comprenant une quarantaines de drolatiques gravures pleine page (1 000/1 500 €) !
Des plantes dignes d’Harry Potter
Parmi les autres thèmes, l’histoire naturelle est en bonne place avec, par exemple, une rare édition du Liure des prouffitz champestres et ruraulx. Touchant le labour des champs vignes et iardins, de Pierre des Crescens (1230-1320/1) le père italien de la science agronomique , imprimée à Paris par Philippe le Noir en 1532 (4 000/6 000 €). Ou encore le volume in-12 de la première et unique édition de l’Histoire admirable des plantes et herbes esmerveillables & miraculeuses en nature, du botaniste français Claude Duret (vers 1570-1611), imprimée à Paris en 1605 chez Nicolas Buon et ornée de 28 gravures sur bois : un exemplaire attendu à 1 500/2 000 €, dédié par son auteur au ministre Sully et présentant des illustrations étonnantes, décrivant des «plantes animales», dites «zoophytes», inspirées des nombreuses espèces et des récits rapportés du Nouveau Monde. On y trouve aussi bien l’arbre de vie du Paradis terrestre que le premier ananas illustré, sans oublier une plante donnant naissance à des oiseaux, ni la mystérieuse mandragore aux racines anthropomorphes qui de tous temps inspira les écrivains (et en dernier lieu J. K. Rowling). Gustave Flaubert, quant à lui, mentionne dans ses carnets l’ouvrage de Claude Duret comme une référence pour les monstres de sa Tentation de saint Antoine. Les livres, éternelles sources d’inspiration.
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