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Jehangir Sabavala, ou la modernité indienne

Publié le , par Sophie Reyssat

Maître du paysage, Jehangir Sabavala livre un tableau puissamment construit, jouant des contrastes de couleur et de lumière pour imposer sa présence.

Jehangir Sabavala (1922-2011), The Upthrust, 1974, huile sur toile signée et datée,... Jehangir Sabavala, ou la modernité indienne
Jehangir Sabavala (1922-2011), The Upthrust, 1974, huile sur toile signée et datée, 127 97 cm.
Estimation : 100 000/150 000 €

Ce tableau est l’œuvre d’un artiste rare en France, Jehangir Sabavala, l’un des plus célèbres peintres indiens. Son diplôme des beaux-arts de la Sir J.J. School of Art de Mumbai en poche, en 1944, il gagne l’Europe pour parfaire son apprentissage à Londres, puis à Paris. Il y suit les cours d’André Lhote, et étudie à l’académie Julian, puis à la Grande Chaumière. Formé à l’académisme comme aux avant-gardes, il puisera dans cette richesse pour créer sa propre modernité. Depuis sa première exposition personnelle en Inde, en 1951, et pendant plus de soixante ans, l’artiste a laissé mûrir son inspiration, sa palette et sa technique. Son style évoluant sans radicalité, il est ainsi resté très longtemps fidèle aux paysages à l’huile, auxquels son nom est attaché. En témoigne cette œuvre dont le nom anglais, upthrust, peut être traduit par « poussée verticale ». Il résume à la perfection l’impression d’ascension procurée par ce tableau. Traitée en sombres camaïeux de bruns, la masse rocheuse qui enracine sa base dans la ligne médiane de la toile attire irrésistiblement le regard, comme le ferait un totem immuable. À elle seule, elle occupe la moitié de la hauteur du tableau. Son élévation est accentuée par le traitement de ses arêtes, semblables à des prismes basaltiques s’élançant comme un jaillissement volcanique à l’assaut du ciel. Les voiles du navire, voguant au premier plan, lui répondent en jouant le rôle de contrepoint. D’une lumineuse blancheur, leurs lignes se dressent pour prendre le vent et transmettre son mouvement à la coque, aussi légère et fragile qu’un fétu de paille. Sur cette eau blanche, l’esquif semble d’ailleurs en apesanteur. À ces lignes de force verticales, s’opposent les horizontales tripartites de la mer, de la côte lointaine et du ciel. Leur traitement est lui aussi géométrique, bien que différent, les formes créant un puzzle. Leurs pièces, qui se dissolvent dans les courants marins, s’imbriquent avec netteté dans les nuées. Tous ces effets contribuent à créer une perspective savamment construite. Jehangir Sabavala affirme lui-même qu’il n’est pas un peintre de la spontanéité. Il revendique au contraire l’importance du dessin, et estime nécessaire de connaître les bases académiques pour pouvoir s’en affranchir. Avant de peindre, il réalise ainsi nombre de croquis préliminaires pour placer les éléments de sa composition. À partir des études exprimant le plus fidèlement sa pensée, il exécute une dernière esquisse, finalement transposée sur la toile. Celle-ci sera d’autant plus remarquée que la dernière œuvre de l’artiste présentée en ventes publiquesen France remonte à 2009.

A SAVOIR
Samedi 15 février. Cannes.
Cannes Enchères OVV et Antibes Enchères OVV. M. Briat.